Après les grandes sorties de l’automne, la fin de l’année sent la fête, et pour ne pas louper les ventes massives qui entourent Noël, les éditeurs rivalisent d’ingéniosité. Pour la plupart, ils minimisent les sorties dans le dernier mois : un album paru en décembre a peu de chance d’être sur la liste du Père Noël, et mieux vaut une sortie postposée qu’une sortie ratée. Alors, à côté des nouveautés immanquables de l’automne, viennent se poser les coffrets et intégrales qui atterriront sûrement sous le sapin.
Glénat : le champion des intégrales
Grâce à son scénariste-fleuve, Jean Dufaux, qui avait compris très tôt l’intérêt des courtes séries, le catalogue de Glénat regorge d’histoires facilement compilables en intégrale. Ces récits complets présentés en un seul gros livre devient alors un cadeau idéal pour les fêtes : certitude de présenter une trame avec un dénouement complet, un présent plus conséquent qu’un simple album, et souvent accompagné de petits inédits.
Dès lors, Glénat rassemble la plupart des sorties d’intégrales sur la fin de l’année, et une fois de plus, il y en a pour tous les goûts ! Best-seller, Le Triangle Secret est rapidement devenu un incontournable : dessinateurs multiples pour un intrigue dense mêlant intrigue policière et historique, le tout arrosé d’une pincée d’ésotérisme.
Dans une version plus spectaculaire, mais tout aussi populaire, la compilation des quatre tomes du Troisième Testament était attendue depuis longtemps. Celle-ci est accompagnée de dessins inédits en album et des premières planches de la future collaboration d’Alice & Dorison : Julius. Nul ne doute qu’elle satisfera pleinement les rares qui ne l’ont pas encore découverte. Les fans des scénarios alambiqués de Dufaux ne sont pas en reste avec Sang-de-Lune, et Santiag. Ce dernier bénéficie, comme pour Beatifica Blues et des Enfants de la Salamandre, d’un épilogue spécialement dédié à cette parution.
Plus historique et romancée, les férus de médiéval et de jolies filles se plongeront au sein du Roman de Malemort d’Eric Stalner, encore une fois augmenté de dessins inédits.
Les amateurs de polars pourront trouver leur bonheur avec le second cycle de Gil St André, ou grâce au plus fantastique Lièvre de Mars.
Dupuis, Le Lombard et Dargaud : le classique des classiques
Si Dupuis, doté d’un catalogue historiquement plus étoffé, s’est dernièrement distingué en sortant les intégrales de Tif et Tondu, Spirou et Fantasio, Natacha et Yoko Tsuno, tous enrichi de dossiers inédits, ils n’en ont pas pour autant négligé les héros plus jeunes : Jeremiah, Jérome K. Jérome Bloche, et bien entendu les intégrales d’Aire libre, tel le récent Trilogie avec Dames. D’un autre côté, ils ont également publié les coffrets des trois albums du Photographe, et de Zoo, dotés de portofolios inédits pour attirer les amateurs du genre.
Le Lombard bénéficiant d’un vécu comparable, il n’est pas étonnant de retrouver les mêmes types d’intégrales : Isabelle, Ric Hochet, Luc Orient, Rock Derby, Lester Cockney, mais aussi Histoire sans Héros, et un magnifique Red Road, agrémenté de superbes dessins de Derib. Les coffrets sont privilégiés pour les sorties de séries contemporaines, comme Nikos Koda.
La stratégie de Dargaud se différencie sur les dates de parution : pas d’effort particulier pour les fêtes, chaque mois produisant son intégrale afin de ne pas lasser le public friand de ces madeleines de Proust. On a ainsi accueilli en août l’intégrale de Gipsy, Valérian en septembre, la Complaintes des Landes Perdues en octobre, et un tir groupé pour novembre : le 3ème cycle des Pin Up, l’intégrale en petit format de Ian, et la suite des tomes de Lucky Luke. Côté parution de nouveautés, c’est très calme, mais après XIII et la Quête de l’Oiseau du Temps, l’effort promotionnel a été localisé sur le florilège de l’année Dargaud.
L’accent sur le coffret
La nouvelle vague privilégie les cycles pour fidéliser le lecteur. Autre avantage, le fait de pouvoir alors réunir les albums parus au sein d’un coffret en tirage limité. On dope ainsi la vente du début ou de la fin d’un cycle sans étouffer le lecteur qui aurait déjà acheté les tomes précédents, mais qui souhaite bénéficier du coffret.
Ainsi, le catalogue Delcourt comporte peu d’intégrales. Chez eux, une fin d’année doit avoir du "coffre" : c’est ainsi qu’on a pu voir fleurir les albums et emboîtages divers : Carmen McCallum, Hauteville House, Empire, Star Wars, et le collectif 7 qui n’en est pourtant qu’à son troisième album paru. Contrairement aux autres éditeurs, On croit aussi fermement aux parutions de fin d’année : les grosses pointures sont de sorties tels Donjon, Golden City, Alim le Tanneur et Arctica qui fait une bonne percée, ainsi que les collectifs et romans autobiographiques divers.
Chez Soleil, la stratégie du coffret est privilégiée, mais ils sont presque exclusivement remplis. Pour faire passer la pilule aux fans, on propose alors des couvertures inédites pour les séries phares. Cette années, peu de sortie, mais du lourd : le coffret des Naufragés D’Ythaq, ainsi que leur cinquième opus, le nouveau Lanfeust des étoiles doublé de la version manga Lanfeust Quest, les chansons de Johnny et l’intégrale de celles de Gainsbourg. On retrouvera également l’intégrale de Luuna, et les nouveaux coffrets millésimés de Lanfeust de Troy.
Le coeur partagé
D’autres éditeurs préfèrent avoir plusieurs cordes à leurs arcs. Ainsi, Vents d’Ouest (groupe Glénat) sort l’intégrale très graphique de Fée et tendres automates, enrichie d’un beau dossier expliquant les origines du récit. Dans le même temps, paraissent le coffret d’Outre Tombe, l’intégrale du premier cycle d’Anachron, mais aussi des nouveautés attendues telle Le Grand Mort de Loisel.
Côté Casterman : fin d’année supra-calme, les fans d’intégrale se contenteront de la version cartonnée du Journal de mon père, du premier volume d’Alack Sinner, ainsi que l’intégrale du Sommeil de Monstre. Calme aussi pour les Humanos qui sortent la trilogie en coffret de Je suis Légion, ainsi que deux petites intégrales de Monsieur Jean.
Entre les acharnés de l’intégrale de fin d’année, les férus des coffrets, et ceux qui continuent à éditer à toutes les périodes, les stratégies diffèrent. Mais ce panel bigarré permet à tous les lecteurs de trouver leur bonheur, au risque de trouver le portefeuille considérablement allégé, mais la passion est à ce prix ! C’est cela aussi la magie de Noël !
(par Charles-Louis Detournay)
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