Romans Graphiques

Rosa Parks - Par Mariapaola Pesce & Matteo Mancini - Ed. Des Ronds dans l’O

Par Romain BLANDRE le 3 novembre 2023                      Lien  
« Les temps changent et ils changent à toute vitesse. Ce qui allait de soi il y a un an ou deux, nous semble intolérable aujourd’hui … sauf dans ce tribunal ». C’est par ces mots que le juge blanc du tribunal de Montgomery répondait à Martin Luther King. Ce 05 décembre 1955, le révérend leader de la cause Afro-américaine était venu assister Rosa Parks, femme de 42 ans, accusée de « comportement inconvenant ».

« - Les temps changent et ils changent à toute vitesse. Ce qui allait de soi il y a un an ou deux, nous semble intolérable aujourd’hui … sauf dans ce tribunal. ». C’est par ces mots que le juge blanc du tribunal de Montgomery répondait à Martin Luther King. Ce 5 décembre 1955, le révérend-leader de la cause afro-américaine était venu assister Rosa Parks, femme de 42 ans, accusée de « comportement inconvenant ». Quelques jours plus tôt, cette dernière avait refusé de laisser sa place de bus à un blanc, enfreignant ainsi les lois Jim Crow de 1896 qui établissaient, entre autres, des distinctions raciales dans les transports. Les temps changent, pourtant la justice a condamné Rosa Parks à une forte amende et à rembourser les frais liés à son procès.

Rosa Parks est devenue un symbole de la lutte des Noirs américains pour obtenir les droits civiques. Symbole d’autant plus fort que la famille Parks vivaient dans le sud des Etats-Unis où la ségrégation était particulièrement forte et où le KKK noyautait toutes les strates de l’administration et des forces de l’ordre. Ultra connu, son geste à l’apparence anodine, a marqué l’histoire et le grand public.

« Ecrire sur Rosa Parks a-t-il encore un sens ? » se demande Mariapaola Pesce, scénariste italienne qui s’est déjà consacrée il y a quelques années à retracer la vie d’une autre militante, Angela Davis, un roman graphique paru comme celui-ci chez Des ronds dans l’O. Question à double sens dans la mesure où elle interroge à la fois la nécessité d’écrire une énième biographie de Rosa Parks, mais aussi l’opportunité de reparler de ce combat, alors qu’il semble qu’aujourd’hui l’égalité soit établie entre les communautés des États-Unis.

Rosa Parks - Par Mariapaola Pesce & Matteo Mancini - Ed. Des Ronds dans l'O

L’ouvrage commence de façon classique. Certains pourraient même considérer le schéma narratif un peu facile : un jeune rappeur entre dans un taxi. Il est au téléphone avec sa petite amie qu’il doit rejoindre dans une boite. Le chauffeur, un papi noir américain, laisse traîner ses yeux et ses oreilles. Il remarque le T-shirt du jeune homme sur lequel est inscrit « I can’t breathe ». Il constate que celui qui le porte ne sait pas à quoi fait référence cette phrase, derniers mots prononcés en 2014 par un jeune homme assassiné par un policier lors d’une interpellation plus que musclée.

Commence alors un long flashback qui permet au chauffeur de raconter l’histoire de Rosa Parks, de son procès, du boycott des bus en réaction à la punition et du combat pacifiste pour obtenir l’égalité des droits de toutes celles et ceux dont l’unique but était d’assurer à leurs enfants une vie meilleure que celle qu’ils subissaient depuis des générations.

Cette nouvelle biographie, parue en 2020 en Italie et traduite en France cette année, est-elle nécessaire ? Sans conteste, oui ! La référence à Eric Garner n’est tout d’abord pas sans remettre à l’ordre du jour la tragédie de George Floyd, lui aussi asphyxié par un policier blanc. L’histoire de Rosa Parks rappelle ainsi que le combat contre le racisme est loin d’être terminé partout dans le monde.
Mais l’originalité de l’œuvre réside dans le fait qu’on y consacre une part importante au contexte plus global du geste de rébellion de Rosa Parks. On s’y souvient qu’avant Rosa, une certaine Clodette Colvin avait, elle aussi, défié les lois injustes en refusant de donner sa place à un Blanc.

On y montre que malgré une tendance majoritaire chez les Blancs qui approuvaient les règles ségrégationnistes, une minorité d’entre eux s’y opposaient. Le rôle du Révérend King est également bien décrit. C’est cependant et surtout le récit de la formidable mobilisation de la communauté afro-américaine, dont les membres ont préféré marcher pendant des mois plutôt que d’entrer dans des bus devenus outils d’une politique visant à affirmer leur infériorité. Dès lors, c’est toute une société qui est héroïsée par son sacrifice et son dévouement à une cause : celle de vivre en être humain.

Le traitement graphique à l’aquarelle proposé par Matteo Mancini est réussi. Il alterne des ambiances aux couleurs vives, diffusées par les lumières et les néons de la ville actuelle, avec celles plus sobres, quasi-sépias, que l’imaginaire collectif a l’habitude d’associer aux régions du sud des États-Unis des années 1950. Il confère à l’ensemble une ambiance chaleureuse et vaporeuse, et embarque le lecteur dans ce combat pacifique pour lequel aucun hommage de plus n’est de trop.

(par Romain BLANDRE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782374181424

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