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Bande Dessinée : Malaise, crispations et dissentiments autour de l’Intelligence artificielle

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 7 août 2023                      Lien  
Alors que Tezuka Productions annonce une suite à Black Jack d’Osamu Tezuka conçue, au scénario comme au dessin, par l’Intelligence Artificielle (IA), une sourde et déterminée bataille se mène en France à l’encontre les auteurs et les éditeurs qui oseraient utiliser de près ou de loin l’IA dans leurs publications. Premières victimes collatérales de ce combat : le dessinateur Thierry Murat et l’éditeur Locus Solus.

Qui a peur de l’IA ? Bon nombre d’acteurs de l’édition semble-t-il, y compris dans le domaine de la bande dessinée. Ils marquent une profonde appréhension vis-à-vis de l’Intelligence Articielle (IA) utilisée dans la création. Cela fait plusieurs mois maintenant, nous vous l’avons raconté, que des applications comme Chat GPT, pour l’information, ou Midjourney pour l’illustration, parmi les milliers d’applications qui se développent dans tous les domaines, infusent dans nos vies quotidiennes, touchant tous les secteurs, de l’informatique à la robotique, de l’enseignement à la production cinématographique, de la politique à la guerre si l’on pense à la guerre des trolls que mènent les belligérants en Ukraine. C’est dire si dès aujourd’hui l’IA influence nos vies.

Un « plagiat industriel »

Avec l’arrivée de Midjourney et Stability AI dans la production du dessin, des applications qui ont déjà plus de 10 millions d’utilisateurs réguliers, nous nous trouvons devant un phénomène nouveau : ces IA ont constitué des bases de données d’images aspirées sur tous les datas visuels disponibles en ligne et sont susceptibles de créer de nouvelles images par l’intermédiaire de « prompts » (requêtes) précises : si vous demandez à Midjourney de vous produire un portrait d’Emmanuel Macron avec un bonnet de schtroumpf, c’est généré en une micro-seconde. C’est possible aussi pour un texte, un scénario, une voix. Avec le risque d’une multiplication de fraudes en tous genres (les fameux deepfakes).

Une industrialisation de la citation ou de l’emprunt constitue, selon leurs détracteurs, un pillage systématique, un « plagiat industriel ». En clair, si vous êtes auteur, la substance de votre création peut être recyclée de cette façon sans que vous ne puissiez prétendre, pour l’instant, à la moindre rémunération ou à l’interdiction de leur usage.

Cela va loin : on peut désormais générer des dessins et des BD « à la manière de… » Ainsi, le génial Kim Jung-Gi était-il à peine décédé que le studio 5You produisait grâce à l’IA des « erzatz » de dessins « à la Kim Jung-Gi » qui demandent un œil exercé pour les distinguer de l’original.

Ainsi aussi, les ayants droits du « Dieu des mangas », Osamu Tezuka, décédé en 1989, ont annoncé la production de nouveaux épisodes de sa bande dessinée Black Jack avec l’aide de l’IA, en association avec l’université de Keio. « Le système d’IA a appris les structures de l’histoire, les dialogues et les personnages de la série originale de 1973, qui comptait plus de 200 épisodes réalisés en dix ans » explique le média nippon NHK.. Ce qui s’apparente comme un « coup de pub » pour célébrer les 50 ans du personnage, suscite néanmoins le malaise.

Un malaise ressenti aussi dans la reprise, essuyant l’hostilité d’Isabelle Franquin, la détentrice du droit moral, du personnage de Gaston par Delaf chez Dupuis qui, s’appuyant selon l’aveu du dessinateur canadien, sur une base de données de dessins de Franquin afin de rester le plus proche possible de l’œuvre originale, repose en fait sur le même procédé que Midjourney, à la différence que Dupuis, le détenteur du copyright, comme dans le cas de Tezuka, en est le promoteur.

Qu’en penser ? Déjà, les « classiques », largement amortis par leurs éditeurs depuis des années ou tombés dans le domaine public, représentent une concurrence pesante pour les nouveaux créateurs. La tendance du secteur consiste aussi, pour les grands groupes, à créer des marques-propriétaires (Marvel, Batman, Spirou…) qui aboutissent à minorer le droit des auteurs dans la domaine ultra-lucratif des usages dérivés (cinématographiques, vidéoludiques, etc.) Les nouvelles productions sont de plus en plus soumises à des algorithmes sollicités par les distributeurs qui optimisent, à la manière de Netflix ou de Disney+, l’appétence des consommateurs selon le profil récolté dans les datas.

Face à cette situation, les auteurs, dans un premier temps sidérés, ne manquent pas de réagir. Au début de cette année, une plainte pour « plagiat » a été déposée aux Etats-Unis pour réglementer ces usages. Un combat qui s’annonce très disputé. La grève des acteurs d’Hollywood a la même origine si l’on y réfléchit bien : elle dénonce l’exigence des producteurs de pouvoir disposer à leur guise du physique et de la voix des acteurs qu’ils engagent : l’IA étant désormais capable de générer des images et des voix parfaitement crédibles au cas où leur contrat venait à être interrompu.

Un auteur « censuré »...

En France, la crispation est à son comble depuis qu’un auteur de bande dessinée reconnu, Thierry Murat, a utilisé ouvertement l’IA pour créer un nouvel album, un ouvrage, Initial_A, qui est à la fois une exploration du futur et une réflexion sur l’IA, justement : « Le sujet de ce livre et l’arrivée de Midjourney au moment même de le réaliser ont provoqué un élan créatif inédit, s’enthousiasme l’auteur. Entre terreur et émerveillement, il teste l’outil. Il cherche... prompte de nombreuses images pour finalement trouver une écriture graphique singulière afin de réaliser ce livre avec cet outil qui semble arrivé tout droit du futur . »

Voire. Alors qu’il était signé chez un grand éditeur, album achevé et à-valoir intégralement versé, ce dernier, sous la pression de directeurs de collection et d’auteurs-maison, a purement et simplement renoncé au projet !

Bande Dessinée : Malaise, crispations et dissentiments autour de l'Intelligence artificielle

Initial_A, de Thierry Murat, généré avec l’aide de l’IA
© Thierry Murat

Sur les forums, les détracteurs les plus virulents au projet sont les propres collègues du dessinateur, ce qui ne manque pas de l’offusquer. Lui qui voyait dans l’I .A. un outil, comme l’était Photoshop naguère pour le traitement d’images ou la collection de Geographical Magazine que compulsaient Hergé ou Will, ou les séquences de film photographiées à la TV comme le faisait Maurice Tillieux jadis, il n’en revient pas.

Heureusement, l’auteur reprenant ses droits, a réussi, grâce à un financement participatif recueillant 27 000€, à permettre l’édition du livre, ce qui n’a pas empêché la réticence, cette fois, des distributeurs. Qu’importe, il rejoindra la cohorte des auteurs se publiant et se diffusant eux-mêmes grâce à leur propre communauté.

Un éditeur boycotté

Même mésaventure pour l’éditeur breton Locus Solus. Cette fois, il s’agit d’une coédition avec un éditeur universitaire – les Presses Universitaires de Rennes- qui n’avait pas vocation d’éditer des bandes dessinées. L’initiative vient de l’un de ses auteurs, Jiri Benovsky, philosophe spécialisé en métaphysique, en philosophie de l’esprit et en esthétique, collaborateur à l’université de Genève, auteur d’ouvrages philosophiques sur la représentation, sur la photographie et sur le cinéma.

Il n’est pas dessinateur de BD et utilise Midjourney comme « prestataire » graphique, à la fois comme objet esthétique et comme objet d’étude. L’ouvrage a pour titre Mathis et la Forêt des Possibles, une fable fantastique pour lecteurs à partir de 9 ans, dont le jeune héros vit des mésaventures qui vont l’aider à se construire.

Là encore, les réactions sont violentes. Sur certains réseaux sociaux, des auteurs appellent leurs confrères à se détourner de l"éditeur breton en raison de cette publication. Une coédition avec un autre éditeur de bande dessinée est annulée pour le même motif. Éditer l’IA est désormais frappé d’opprobre !

Mathis et la Forêt des possibles de Jiri Benovsky (Ed. Locus Solus / PUR)

La croisade des ligues d’auteurs

Dans les rares critiques publiées sur l’album, le sujet de l’utilisation de l’IA supplante le projet-même du livre. On se demande en substance s’il était bien urgent de publier cet ouvrage en l’état, alors même que leur usage est vigoureusement contesté par les ligues d’auteurs manifestant pour une régulation restrictive des IA quand ils ne sont pas, comme aux USA, en train d’ester en justice contre leur usage. Ainsi, l’Italie avait-elle brièvement interdit l’usage de Chat GPT sur son territoire avant de le rétablir.

Pour la Ligue des Auteurs Professionnels, c’est clair : « Les IA génératives de textes et d’images fonctionnent en utilisant de manière illicite des contenus protégés au titre du droit de la propriété intellectuelle. Elles constituent une menace extrêmement inquiétante pour les auteurs, les ayants droit et titulaires légitimes de droits. Elles sont et seront à l’origine d’un bouleversement dangereux pour les industries culturelles et créatives. »

Et de pointer les insuffisances réglementaires actuelles, notamment au niveau européen : « Les IA conservent et diffusent des données protégées au titre de la propriété intellectuelle, communique la Ligue. Ces atteintes sont intentionnelles et consubstantielles au système même. Elles ne respectent pas non plus les licences dites “libres de droits”, pas plus que le droit à l’image. »

Les conséquences ? « Une concurrence déloyale envers les artistes humains en profitant directement de leur travail et de leur nom. Elles viennent parasiter le marché en s’accolant de manière indue à la notoriété de celles et ceux qu’elles imitent. »

Pire encore, les usages dérivés de leurs créations dans la communication ou la publicité, parfois source principale pour leurs revenus : « La masse d’images et de texte produits instantanément par IA génère un afflux massif de « créations » qui invisibilise les artistes humains. Créant un effet d’éviction et là encore une perte de revenus. » Leurs créations, sont de ce fait, dévaluées.

Un bouleversement civilisationnel

Conclusion : «  Au-delà des artistes, les premières études montrent que l’impact sur l’emploi de ces IA sera très important dans l’ensemble des secteurs. Et on peut s’interroger sur l’impact civilisationnel d’une automatisation de la pensée de la création. »

Évidemment que tout cela n’est pas rassurant. Notre réflexion sur le progrès a toujours été bousculée par les évolutions technologiques. La révolution informatique puis celle de l’Internet ont plus profondément transformé l’humanité en à peine trois générations que durant tous les millénaires passés.

Est-il opportun de s’y opposer ? Au XIXe siècle, l’humanité roulait en calèche ; au XXe comme au XXIe siècle, nous empruntons tous des automobiles, des trains, des avions… L’économiste Joseph Schumpeter avait déjà théorisé en 1942 cet « ouragan perpétuel » qu’est la «  destruction créatrice » provoquée par l’innovation. On se souvient de la profession de foi du vieux Jérôme-Nicolas Séchard contre les machines anglaises modernes de Stanhope dans Les Illusions perdues de Balzac. Sa position conservatrice a plutôt précipité la faillite de la petite imprimerie d’Angoulême. Est-on en train de vivre la même chose ? Sans doute.

Ces tensions capitalistiques, corporatistes, mondialisées… changent jusqu’à notre perception du médium : bandes dessinées asiatiques à leurs débuts, les mangas ou les webtoons par exemple, sont devenus des formats universels largement utilisés partout dans le monde, y compris sous nos latitudes. Des combats qui peuvent nous paraître vifs aujourd’hui qui seront peut-être sans objet dans les mois à venir...

Ce qui a changé quand on considère ces phénomènes sur un temps long, c’est leur accélération. Qui avait dit naguère : «  Arrêtez le monde, je veux descendre !  » ?Notre génération et celles à venir ont un mandat : que cet arrêt ne soit pas un terminus.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782368341544

Locus Solus ✍ Jiri Benovsky ✏️ Thierry Murat ✏️ IA Marché de la BD : Faits & chiffres
 
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32 Messages :
  • au XXe comme au XXIe siècle, nous empruntons tous des automobiles, des trains, des avions…

    Non, une infime partie de l’humanité prend l’avion, le train, l’automobile est plus répandue mais tout le monde n’en a pas, et on se déplace toujours à vélo ou à dos d’âne.

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    • Répondu par denis le 8 août 2023 à  07:52 :

      Oui et en plus, le 21e siècle ne peut plus vivre sur le même train que le 20e qui est le siècle du grand gaspillage et de la destruction de notre écosystème. L’avenir des gens responsables est au vélo, au train et non plus, à la voiture individuelle fût-elle électrique.
      L’IA n’est pas en problème en soit mais ce qui est problématique, c’est le pillage de la création humaine par l’IA sans contrepartie

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      • Répondu le 8 août 2023 à  09:03 :

        Le respect des écosystèmes comme marqueur de l époque que nous vivons, c’est un vœu pieux. Les 20 premières années du 21e siècle ont été plus polluantes et destructrices que les 40 dernières années du 20e. On parlait du trafic aérien ? Il explose et ne fera que continuer à exploser dans les 30 années à venir.

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  • Le sujet est immense et le temps manque pour s’y attarder à cette heure. Une première réflexion toutefois, sans tomber dans le luddisme idiot que tu es prompt à pointer, cher Didier. Je vis avec une traductrice qui a reçu de son association, l’ATLF, cette question honteuse : "Accepteriez-vous de travailler comme réviseur de textes traduits en première instance par l’IA." A cette demande ébouriffante, une seule réponse s’impose : "Oui, bien sûr, à condition qu’il s’agisse de textes écrits par une IA." Dans le même ordre d’idée, j’entendais un prof se plaindre de devoir corriger de plus en plus de devoirs rédigés avec ChatGPT. À cela aussi, la réponse s’impose : "Confiez-en la correction à l’IA, ainsi nous resterons entre humains et laisserons les intelligences de synthèse se démerder entre elles." Plus sérieusement, je vois dans cet emballement ridicule une nouvelle manifestation du monde à deux vitesses. La Musak ou musique d’ascenseur existe depuis des décennies. De ce ramassis de clichés musicaux touillés dans un shaker crétin, produit dans le seul but d’apaiser les bœufs, certains génies comme Brian Eno ont réussi à tirer des chefs-d’œuvres. Le reste est allé nourrir le cerveau porcin de la consommation. Il n’y a pas de raison que l’océan de merde graphique que va produire cette nouvelle tendance ne connaisse pas exactement le même sort. Quelques Rimbaud ou Breton sauront pirater la machine pour mieux la tromper, l’utiliser pour mieux la dépasser. Les autres produiront la même ragougnasse qui finira dans la gamelle des décérébrés. Je garde une foi absolue dans l’imprévisibilité de l’intuition poétique et l’unicité de la voix de chaque créateur.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 7 août 2023 à  20:35 :

      Mon cher JLF. Nul ne sait vers où va ce bateau ivre (tant qu’à parler de Rimbaud...). Le débat doit peut-être un peut s’élever car l’enjeu est de taille. Dans ton exemple, cette traductrice (tu lui transmettras mes amitiés) est sollicitée pour corriger un texte. Sur ActuaBD où les corrections se font quelquefois par vagues (en fonction de la disponibilité des bénévoles, vous devez parfois vous en apercevoir) pour traquer les coquilles, il nous est arrivé de demander à Chat GPT de faire la correction orthographique, grammaticale et syntaxique. Eh bien, c’était ma foi convaincant. Idem pour le code informatique que Chat GPT est capable de générer de façon probante. Il n’y a pas si longtemps, t’en souviens-tu ?, il existait un métier fort honorable et apprécié : photograveur, qui a quasiment disparu dans un silence assourdissant. Aurait-on fait machine arrière si la corporation avait disposé d’un syndicat puissant ? Peu probable. Nos métiers sont comme cela, faits d’opportunités. Que celui qui n’a jamais profité d’une licence-propriétaire pour ménager ses fins de mois nous jette la première pierre ;)

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      • Répondu par JLF le 8 août 2023 à  00:13 :

        Mon cher Didier, merci de la rapidité de ta réaction. Ne confondons pas tout. Tu inverses les paramètres de l’exemple que j’ai donné. La lettre de l’ATLF ne suggérait pas aux traducteurs ou trice (elle t’embrasse aussi) de donner à relire à l’IA le fruit de leurs efforts, mais l’inverse. C’est à dire de subordonner l’effort humain au contrôle du travail de la machine. Quiconque a traduit un livre, ou connait la saveur d’un auteur dans sa langue d’origine, peut mesurer à quel point la sensibilité, l’expérience et l’intelligence individuelles humaines peuvent transporter magistralement une œuvre dans le génie d’une autre langue, d’une autre culture, ou au contraire en saloper entièrement l’âme et la substance. Lis la traduction du Quichotte d’Aline Schulman au Seuil, pose-la à coté des indigestes pâtisseries dix-neuvièmistes qui l’ont précédée et tu verras de quoi je parle. A l’inverse, essaye Salinger traduit par JB Rossi (Japrisot, bien plus écrivain que traducteur) et confronte-le à la version de L’Attrape-Cœur refaite par Annie Saumont. Tu verras à quel point la haute compétence d’une traductrice ne l’empêche pas de faire les mauvais choix et d’écraser tout le charme d’un texte. Non, décidément, j’ai du mal à m’imaginer Robbie le Robot en train de s’escrimer à mettre Jarry ou Rabelais en serbo-croate. Quant à ton exemple sur la photogravure, il confirme précisément ce que je dis : c’est simplement - ramené à l’industrie discographique - le passage du cylindre de cire à la musique numérisée. Et là, hourra pour les machines, hourra and welcome ! J’ajoute que cet angle de discussion n’est guère plus qu’un rideau de fumée : il y a un monde, en effet, entre piocher dans sa bibli ou ses souvenir pour pomper McCay, Dave McKean, Rebecca Dautremer, et les hybrider avec Tardi, Gillon ou les Schtroumpfs, et le fait d’envoyer la machine piller les archives mondiales pour en tirer on ne sait quel gloubi-boulga. Et là, je donne raison à tous ceux qui invoquent le droit des créateurs à protéger leur œuvre. Enfin, je trouve les exemples illustrant l’article plutôt sinistres. Basse flatterie esthétique, démagogie graphique, insigne vulgarité, tout y est. On a pas besoin de Hal pour faire ça, certains humains s’en chargent très bien. Bisou. JLF

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        • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 8 août 2023 à  08:21 :

          Evidemment que je rejoins ton point de vue sur la défense élémentaire des droits des créateurs, mais ce n’est aps simple. Les droits d’un photographe ne sont pas les mêmes que ceux d’un peintre. Toi qui est dans le cinéma, tu sais bien que les dessinateurs et les créateurs d’origine ne sont pas au même rang qu’un scénariste. Tout doit être repensé, je crois, et c’est bien là le problème. Amitiés.

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        • Répondu par JLF le 8 août 2023 à  10:09 :

          Pardon de m’étaler, mais le sujet me passionne. J’étais récemment au calage d’un prochain bouquin de la collec, assez compliqué en termes de repro. Et une évidence s’est imposée : si sa noble corporation a disparu, le photograveur humain a survécu, il est aujourd’hui partagé en deux entités : le fabricant, qui, à partir de fichiers informatiques ajustables, affine les chromies en fonction du papier d’impression choisi et, plus impressionnant encore, le servant de l’imprimerie qui, seul sur sa fantastique Heidelberg, peut régler en cours d’impression et au petit poil les courbes colométriques pour assurer la plus grande fidélité à l’œuvre originale sans même se tâcher les doigts d’encre. Le facteur humain reste donc, à tous les étages, maître de la qualité et de l’intégrité de ce qui sort de la machine. L’utilisation de l’IA telle que suggérée dans le papier propose exactement l’inverse, de foutre les créateurs - avec les tares et leurs coups de génie - au rancart pour les remplacer par des tâcherons touillant une matière préparée et, n’en doutons pas connaissant les mœurs dominantes de notre métier, aseptisée et écœurante comme un ketchup industriel. Bien sûr, il y aura des Méliès de la chose, il y en a toujours, mais se taper pour ça des hectares de Tezuka sans Tezuka ou de Franquin reformaté, très peu pour moi.

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  • Je vous remercie beaucoup pour vos propos mesurés et raisonnables .
    Pierre-Henry Frangne
    Directeur des Presses universitaires de Rennes

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  • Comme l’a dit Thierry Murat et je le pense aussi, l’IA revient exactement à la même chose que les auteurs qui se copient eux-même et ça depuis les origines.
    Certes l’IA se base sur une base de donnée, mais il se trouve que l’humain aussi, en Espagne c’est même une spécialité de sortir des bd avec des références de persos ayant l’air de provenir d’autres franchises.
    La seule différence c’est que là où l’humain a dû mettre des années pour apprendre et que son débit est limité lui prenant des heures pour finir une case, l’IA elle fait tout en quelques secondes.
    Donc moi je veux bien une loi, vous la voulez demandez là, par contre il faudra être très précis avec la loi, extrêmement précis, car comme je le dis, l’IA fait exactement ce qu’un humain fait, donc vous n’êtes à rien de provoquer une loi anti plagiat si générale que ça bloquera toute nouvelle production, et vu le parlement qu’on a, vous êtes assurés que le risque est énorme et qu’au cours des amendements d’opposition ça arrive.
    Après avec la surproduction, ça sera peut être pas une mauvaise chose, même si ça voudra dire qu’on devra lire des vieilles franchises comme spirou à vie.

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    • Répondu le 8 août 2023 à  12:05 :

      De quelles Bd espagnoles parlez-vous, qui pratiqueraient selon vous une forme de plagiat ordinaire et acceptée ?

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  • Merci de citer une partie de notre analyse, mais si vous pouviez éditer le nom de notre syndicat, (c’est la Ligue des Auteurs Professionnels), ce serait formidable.

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  • Ce qui est intéressant pour un artiste-auteur, c’est de faire.
    Ce qui est intéressant pour un éditeur, c’est de vendre ce qui a été fait.
    Donc, plus vite c’est fait et plus on peut vendre et rapidement, la quantité tue la qualité. Aller toujours plus vite pour gagner toujours plus.
    Schumpeter est un économiste qui s’est intéressé à la destruction créatrice et à l’innovation, pas à l’invention.
    L’invention, c’est le contraire de l’innovation. L’innovation consiste à produire de la nouveauté, de la mode, pour servir des consommateurs avides. L’innovation, ce n’est pas mais d’avoir une idée neuve mais de recycler du vieux pour faire du neuf.
    Les IA sont des outils de plus. Ils peuvent être utiles mais entre les mains des capitalistes, ce sera encore une fois une catastrophe.
    C’est dommage parce qu’avec ces IA, on pourrait construire des cathédrales comme jamais auparavant. Pousser la réflexion et la perfection encore plus loin. Mais non, il en sortira et il en sort déjà du gros caca.

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    • Répondu le 9 août 2023 à  14:47 :

      Pour l’instant, c’est du caca en effet. Ça rappelle les premiers temps des films en image de synthèse, dans le meilleur des cas très arty, dans le pire des cas, très raté. Il a fallu que des gens comme ceux de Pixar, donc des humains, s’en emparent pour que ça devienne du divertissement de qualité.

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      • Répondu par JLF le 13 août 2023 à  20:16 :

        Le premier long-métrage entièrement en CGI est Toy Story de Disney, qui fait désormais figure de classique. Donc pour le très arty ou très raté, c’est loupé. Encore une fois, la question n’est pas là. La question est dans l’élimination du facteur humain, capricieux, onéreux et chiant, par des producteurs qui considèrent effectivement leurs clients comme des abrutis dénués de goût, de jugement et de sens critique. Et l’ennui, c’est qu’il existe un public pour leur donner raison, même si tout lecteur de Bourdieu doit se défier des prétentions à une quelconque supériorité culturelle. Plus grand monde ne se souvient des éditions Harlequin, par exemple, énormes pourvoyeuses internationales de daube dégradante et produite industriellement.

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        • Répondu le 14 août 2023 à  10:54 :

          Qu’est-ce que vous racontez ? C’est bien Pixar qui a crée Toy Story. Et c’est bien ce que je disais. Par ailleurs entre Bourdieu et Harlequin, il y a un monde. Ce n’est pas parce qu’une œuvre est populaire qu’elle forcément merdique et inversement une œuvre élitiste n’est pas forcément de qualité.

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          • Répondu par JLF le 15 août 2023 à  11:12 :

            Nous avons raison tous les deux : Toy Story, s’il est sorti de la tête de John Lasseter, est totalement coproduit par Disney. Quant à mon allusion à Bourdieu, il semble qu’il vous ait échappé qu’elle faisait référence à son ouvrage La Distinction, où il raisonne sur la relation entre classe sociale et culture ( l’une se servant de l’autre comme instrument de domination), donc dans le sens contraire de ce que vous suggérez.

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            • Répondu le 16 août 2023 à  07:05 :

              Je ne suggérais rien du tout, je me méfie seulement des généralisations. La vie est faite de contré-exemples.

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            • Répondu le 16 août 2023 à  07:45 :

              Toy Story 1 (1995)… Vous oubliez Steve Jobs et Apple. Sans la puissance informatique, ce chef-d’œuvre de l’histoire de l’art n’aurait pas pu exister.
              C’est un chef-d’œuvre parce que c’est la première fois dans l’histoire qu’un long-métrage - avec des émotions - a pu être fabriqué avec des ordinateurs.
              Donc, les ordinateurs sont des machines dont les artistes peuvent utiliser pour créer des œuvres. Par conséquent, rejeter les IA est absurde. Au contraire, il faut s’en emparer pour créer.

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        • Répondu le 14 août 2023 à  10:58 :

          Avant Toy Story de Pixar, il y a en effet d’autres tentatives de films en cgi plutôt ratés ou artys, c’est bien résumé.

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      • Répondu le 15 août 2023 à  06:01 :

        "Pour l’instant, c’est du caca en effet."

        Et ça le restera majoritairement.

        Le capitalisme ne va pas soudainement se mettre à être vertueux et avoir une grandeur morale en créant une échelle de valeur esthétique autre qu’un profit économique.

        La quantité permet de transformer tout le caca en or. C’est-à-dire : faire croire que ce qui est du caca est de l’or puisque tout se vaut. Ce qui compte pour le capitalisme, ce n’est pas le travail, le talent mais le succès. Que ca se vende au plus grand nombre et si possible, le plus longtemps possible. Le tout se vaut, c’est la tolérance démocratique du capitalisme.

        Le capitalisme cherchera toujours à tirer un profit quantitatif des IA et non qualitatif. Parmi la masse de caca, la qualité tentera d’exister mais sera noyée. La qualité ne prendra jamais le dessus.

        Le pire ennemi des IA n’est pas la créativité mais le capitalisme. C’est-à-dire, le cynisme de l’égoïste qui considère normal de ne pas partager équitablement un gâteau sous prétexte que c’est lui qui a misé son argent au départ. Il oublie volontairement que sans le travail derrière, la mise de départ ne peut pas être transformée. Les éditeurs s’empareront des IA par pure idée de profit et les auteurs suivront comme des moutons, encore une fois, par besoin de reconnaissance.

        Laissez un auteur talentueux jouer aux dés dans son coin avec ces machines et il vous inventera des œuvres inattendues et fortes. Mais l’humain est fainéant et les plus malins chercheront et cherchent déjà à travailler plus vite pour gagner plus. L’IA est l’outil parfait pour les aider à y parvenir le plus vite et le plus bêtement possible.

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        • Répondu le 15 août 2023 à  10:18 :

          On nous fait une petite déprime estivale, peut-être ? Ah oui le capitalisme c’est rien que des grands méchants parce que la nature humaine restera ce qu’elle est. Mais vous avez sûrement mieux à nous proposer.

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          • Répondu le 16 août 2023 à  07:40 :

            Je ne dis pas que le capitalisme ce sont les grands méchants. Et oui, la nature humaine restera ce qu’elle a toujours été. C’est évident, sans culture pas d’humanité et la culture s’oppose au naturel. La nature de l’homme est justement de s’extraire de la nature.
            Nous sommes dans un monde capitalisme de plus en plus ultralibéral et il faut faire avec. Internet est la traduction physique de cet ultralibéralisme et les IA en sont le produit.
            Le constat est que si l’invention des IA est géniale, conjuguées avec la recherche du profit à court terme, ces IA sont dangereux. C’est une nouvelle révolution industrielle mais à l’échelle électronique (pas mécanique).
            Je n’ai rien de mieux à proposer parce que l’humanité ira vers ça. La destruction créatrice de Schumpeter peut s’avérer être plutôt une création destructrice.
            Ce qui est dommage, c’est qu’avec ces IA, l’humanité pourrait faire mieux(qualité) et qu’elle fera probablement seulement plus (quantité).

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            • Répondu par PHILIPPE CHAPELLE le 19 août 2023 à  09:08 :

              La seule véritable vertu qu’on pourrait trouver à l’apparition des intelligences artificielles, ce serait de nous amener (enfin) à nous poser une bonne fois pour toutes cette question : l’intelligence, c’est quoi, en définitive ?
              Y a-t-il une différence qualitative ou seulement quantitative entre « l’intelligence » d’une machine, et celle des humains, voire, en général, de ce qui est… vivant ?
              Si les machines que nous avons créées sont capables de faire tout ce que nous faisons beaucoup mieux et beaucoup plus vite que nous , alors, nous avons un sacré problème sur les bras ! Et si les machines arrivent à développer une conscience, alors là, nous, humains, devenons obsolètes. Rideau.
              Si les machines s’avèrent incapables de développer une vraie conscience, alors, nous réussirons probablement à les maîtriser, et dans ce cas, les intelligences artificielles nous obligeront à une remise en question salutaire, vraiment nécessaire, au vu de toutes les stupidités que l’humanité est capable de commettre.
              Pour que l’intelligence véritable apparaisse, ne doit-elle pas naître dans un corps vivant ? Le corps est peut-être le seul outil vraiment indispensable pour générer LA conscience, une conscience faite d’intuitions, l’intuition étant ce qui permet d’aller au-delà d’un simple réassemblage d’éléments préexistants (lettres, mots, éléments sonores ou visuels) pour créer quelque chose de vraiment nouveau. C’est très probablement le corps animal, vivant et sensible, et lui seul qui permet (mais ça ne marche évidemment pas à tous les coups) de faire une synthèse originale, inédite, nouvelle, de la masse hallucinante de sensations, d’images, d’informations sensorielles et affectives, de culture, d’idées, de systèmes d’idées, accumulés par un être au cours de son existence.
              Si les machines développent une conscience, elles vont certainement avoir les mêmes questionnements existentiels que nous, les mêmes états d’âmes, les mêmes interrogations morales, le bien le mal, le sens de la vie, et tout ça, alors, bonne chance.
              Les auteurs de science-fiction réfléchissent sur ces questions depuis pas mal de temps déjà. Relisons nos classiques, K.Dick et Asimov en tête.

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    • Répondu par JLF le 10 août 2023 à  00:26 :

      Bien d’accord. L’Internet, l’outil le plus fabuleux donné à l’humanité depuis le moteur a explosion sert principalement :
      1. à la pornographie
      2. à la diffusion des fake news et autres saloperies trumpistes ou hanounistes d’extrême droite.
      L’Internet, incroyable dispositif qui mettait la connaissance universelle à la portée du hameau le plus reculé, la bibliothèque mondiale à un clic de nous, est en train de devenir l’arme de destruction massive de nos sociétés.

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      • Répondu le 11 août 2023 à  06:16 :

        Propos un peu exagérés, y compris concernant le moteur à explosion.. l’humain est un apprenti-sorcier depuis toujours. Il invente le meilleur et le pire. Et vous en oubliez. Entre le moteur à explosion et internet, il a inventé le génocide en mode industriel et la bombe atomique.

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        • Répondu le 11 août 2023 à  14:08 :

          Invente-il le meilleur et le pire ou le meilleur pour le pire ?

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  • L’IA attaque les chasses gardées et les plates bandes...
    et ça ne fait peur qu’à ceux qui sont déjà des clones, mais qui font mine de l’oublier...
    et après ils crient contre la censure de ceci ou cela... mais uniquement quand ça les arrange.
    exception française ?

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  • et ce qui encore plus insultant, c’est vis-à-vis du lecteur et public qu’on prend comme un imbécile (une simple ressources sans goût ni jugement, dont l’argent pourrait être divisées avec un nouveau type de conteurs...inacceptable diversification. juridiquement la position du syndicat ne tient pas la route, pourrait quand même convaincre .. . droit de suite épuisé à la mise sur le marché, droit de sampling, banques de sons... le monde la musique connait ça depuis 40 ans... on voit le résultat sur la diversité et l’appropriation par les plus gros de ce qui devrait revenir aux plus petits.

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PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
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