Trois nobles à l’ambition démesurée ont décidé de ramener à la vie Xaltolun, un empereur décédé il y a trois mille ans et doté d’immenses pouvoirs magiques dans le but d’éliminer le seul obstacle à leur plan de domination. Le roi Conan va jouer non seulement son armée mais aussi son trône et sa vie : il va en baver comme jamais. Sa force, sa détermination, son courage légendaires ne pourront rien sans une intervention providentielle qui bouleversera son avenir !
L’Heure du dragon étant sans doute l’une des aventures les plus emblématiques de la saga, celle-ci constituant le seul roman écrit sur le héros de Robert E. Howard. L’auteur avait rédigé cette histoire en vue d’être édité en Angleterre et devait ainsi présenter Conan à un public qui ne le connaissait pas encore. Plutôt exercé à l’écriture de nouvelles publiées dans les Weird Tales (magazines de littératures populaires des années 1930), l’auteur texan repiqua des idées çà et là parmi les épisodes antérieurs afin d’en constituer un volume plus conséquent selon les souhaits de l’éditeur anglais.
Ce ne sont ni plus ni moins que deux spécialistes de la bande dessinée fantastique, Julien Blondel (scénariste d’Elric) et Valentin Sécher (dessinateur du Méta-baron) qui se sont attelés à cette adaptation. La gageure était de nous conter pour la énième fois cette histoire certes passionnante, mais néanmoins archi-connue des fans, en la remettant au goût du jour sans la trahir. Le pari osé est amplement réussi. Il en résulte un superbe album.
Déjà la sublime couverture interpelle. Elle s’inspire du maître absolu du genre, Frank Frazetta. Ce dernier a souvent représenté Conan de dos, dans cette position désespérée où il devra se redresser et défendre chèrement sa peau face à ses plus grandes menaces de toujours : les monstres et la magie.
Après les pages de garde traditionnellement ornées d’une carte de l’Age hyborien, on est conforté sur la qualité de l’intérieur de l’album dès les premières planches. Des édifices à l’architecture majestueuse, des scènes de batailles épiques à couper le souffle, des attitudes de personnage théâtrales, des physionomies détaillées : on a droit à du grand spectacle ! Le tout agrémenté d’une colorisation remarquable faisant la part belle à un subtil jeu d’ombres et de lumières qui plonge littéralement le lecteur dans l’univers obscur de l’« Heroic Fantasy ».
Le scénariste dépoussière l’œuvre de Robert E. Howard écrite en 1934, déjà adaptée en comics dans les années 1970 par les illustres américains John Buscema, Gil Kane et Roy Thomas (Marvel). Julien Blondel la modernise par de multiples changements de plan parfaitement cadencés, intégrant également des séquences muettes, respirations nécessaires à une approche contemporaine du récit. Du grand cinéma sur papier !
Cet épisode est sans conteste le meilleur moyen d’attirer le bédéphile qui ne se serait pas encore converti au mythe hyborien. En effet, aucun prérequis n’est obligatoire à sa compréhension. Il lui prouvera par ailleurs que Conan n’est pas dénué d’une certaine poésie sous-jacente, charme qui en assure la longévité, voire l’éternité.
Et à propos de charme, cette aventure voit apparaître trois dignes représentantes de la gente féminine : Zénobia, Zelata et Albia. On regrettera toutefois la furtivité de ces apparitions, car leur rôle initial était pourtant important. Robert E. Howard avait l’art d’aguicher son lectorat subjugué par leur prestance. Les couvertures des Weird Tales (pulps – magazines de littérature populaire des années 1930 au sein desquels étaient publiés les récits de Conan) comportent toutes des illustrations de ces protagonistes en tenues légères, si pas totalement nues. Il est donc un peu dommage que cet aspect n’ait été davantage exploité, d’autant que le talent du dessinateur aurait permis de belles séquences. Sans nuire au récit, cela manque. Il existe bien quelques cases pour satisfaire notre sensibilité masculine, mais ce sel est répandu trop parcimonieusement, car la sensualité est un ingrédient indissociable des histoires de Conan.
En dehors de cette considération, cette version portera assurément le sourire aux lèvres de l’adepte le plus blasé, pointilleux et exigeant, puisque l’histoire d’origine est respectée dans son ensemble, fortes des ambiances propres au genre. Nous sommes bien sur le terrain du Sword & Sorcery classique.
L’album se referme comme de coutume sur un dossier sérieux et intéressant rédigé par l’éminent spécialiste Patrice Louinet qui nous en apprend toujours tant et plus. Il nous donne par exemple des précisions sur le contexte dans lequel ce roman a été écrit. Les reproductions de couverture des Weird Tales de l’époque sont aussi un bonus appréciable.
(par David SPORCQ)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Lire d’autres chroniques de Conan le Cimmérien :
Les chroniques des tomes 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 de la collection Conan le Cimmérien
Notre entretien avec Ronan Toulhoat et Anthony Jean
Glénat et Marvel font revenir Conan sur le devant de la scène BD
Aux sources de Conan, une nouvelle collection chez Glénat
Conan le Cimmérien - Le Colosse noir - Par Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat - Glénat
Toutes les illustrations de cet article sont tirés de Conan le cimmérien : © Blondel, Sécher – Glénat, 2021.
Participez à la discussion