La Mécanique des vides : une fable vertigineuse

Le voyage auquel nous assistons était initialement physique et manifeste. Zéphir a en effet parcouru l’Amérique du sud sans se donner de date de retour. Ce voyage aura duré plus de deux ans durant lesquels il aura traversé dix pays.

Au fil de ses explorations, l’auteur a ressenti un besoin urgent d’écrire et de narrer pour pallier à l’opulence et au foisonnement perpétuel de ce qu’il appréhendait quotidiennement. La Mécanique des vides est le fruit de ce déplacement. Il pare son expérience d’un dispositif littéraire audacieux et poétique qui n’est pas sans rappeler ceux d’Henri Michaux.

Zéphir © Futuropolis

Tenter de résumer ce livre est un exercice aléatoire. Nous pouvons éventuellement expliquer qu’il s’agit de l’histoire d’un homme muet qui va s’éveiller dans un espace indéterminé duquel il va s’échapper pour devenir au monde. À ce moment, il fait la rencontre de deux individus qui l’accueille et l’emmène avec eux dans une pirogue capable de fendre les vents afin de domestiquer le langage et d’enrayer la mécanique des vides qui conduit indubitablement les personnes vers un destin fatal.

Zéphir © Futuropolis

Cependant, l’ouvrage est tellement plus riche et luxuriant que ce postulat initial… Comme l’auteur l’explique : « Je n’ai pas voulu parler de ma petite expérience de voyageur, j’ai plutôt tenté d’approcher par le récit les tremblements provoqués par le fait de voyager. 
J’ai souhaité que La Mécanique des vides soit à l’image de ce voyage : entièrement improvisé.
 Les notes désordonnées de mes carnets m’ont servi de balises, un léger fil rouge m’a guidé dans l’avancée du récit. Le reste s’est fait au fil des cases. J’ai tenté de rencontrer et de suivre mes personnages comme j’ai pu le faire avec des voyageurs rencontrés en chemin. »

Nourri par l’ensemble de ses expériences, l’auteur synthétise des sources d’inspiration multiples afin de livrer un récit poétique et onirique qui détonne grâce à une conscience feutrée et éclatante qui n’est pas pour autant didactique. Il distille des intentions et des émotions plutôt que de les rendre explicites. Il parvient à créer des bouleversements qui interrogent et trouble le lecteur en le renvoyant à sa propre condition et en le questionnant sur son rapport au monde.

Zéphir © Futuropolis

Ce qui impressionne également c’est la diversité des techniques employées dans l’exécution des quelque deux cents planches de l’ouvrage. Une multitude de compositions, de textures et de couleurs se mélangent et produisent un effet homogène et très plastique. Des pastels à l’huile, en passant par différents graphites et crayons gras jusqu’au simple stylo bille, l’auteur déroule le fil d’un monde démesuré qui semble être un ensemble évolutif. Certaines planches sont de véritables prouesses graphiques et transcendent complètement la matière pour un rendu rarement exploité jusqu’ici en bande dessinée. Le vertige est réel.

Un album total qui interroge sur le rôle de l’art dans nos vies, et qui hypnotise le lecteur de bout en bout. Zéphir est de ces auteurs qui exploitent pleinement le potentiel inouïe de la bande dessinée de façon consciencieuse, sensible et magnifique.

Zéphir © Futuropolis