La rentrée du Lombard : un commando de valeurs fortes

Gauthier Van Meerbeeck

Photo : R. Joubert.

Gauthier Van Meerbeeck, le directeur éditorial du Lombard, nous l’expliquait l’année dernière, commentant les conséquences attendues sur le marché suite à la fermeture de librairies pendant le confinement : « Nous vivions déjà une ère de surproduction assez délirante. Le phénomène va être encore accentué dans les prochains mois, il faut y être paré. »

En effet, tous les albums prévus pour le printemps 2020 sont parus plus tard, décalant d’autres sorties dans les mois à venir. Et avec les vagues pandémiques qui se sont succédées, notamment à la fin de l’année, les éditeurs sont restés très prudents dans leurs programmes de parution, préférant encore décaler davantage les ouvrages que de les sortir à un moment où le public ne peut les accueillir dans les meilleures conditions.

Finalisés depuis quelques temps, tandis que d’autres sont signés et encore de réalisation, il fallait à un moment ou à un autre entreprendre leur publication et tenter de désengorger cet embouteillage, en espérant revenir à la normale. Et il semble que ce soit cette rentrée littéraire qui ait été globalement choisie par les éditeurs pour marquer la fin de cette séquence : avec une population majoritairement vaccinée et une épidémie déjà mieux contrôlée que l’année dernière, les signes semblaient suffisamment encourageants pour que les lecteurs reprennent le chemin des librairies. Résultat : le rythme des parutions s’emballe, avec une très nette hausse du nombre de titres.

Quelle est donc la tactique du Lombard pour sortir son épingle du jeu, eux qui réduisent volontairement leurs parutions depuis plus de cinq ans ? Persévérer dans cette stratégie qui a porté ses fruits, en ne publiant que dix nouveautés d’août à octobre, une période où d’autres éditeurs en publient bien davantage !

Les valeurs fortes

Gauthier Van Meerbeeck et son équipe ont décidé de miser sur des univers qui disposent déjà d’un public bien établi : une compilation de gags de Ducobu pour la rentrée des classes, un audacieux pari avec cet Escape Game au format BD porté par l’univers des Enfants de la Résistance (une série qui compte un million d’albums vendus à ce jour), le T.39 des Schtroumpfs, sans oublier le tome 6 de Tango, le nouveau fer de lance du Lombard en matière d’aventure avec cinq albums publiés en moins de trois ans !

Sans aucun doute, le moment fort de cette rentrée attendue par le public d’amateurs éclairés d’ActuaBD sera certainement le dix-septième et dernier tome de Jonathan, la série née dans les pages du Journal Tintin en 1975. Son auteur Cosey a décidé de clôturer définitivement cette série à nulle autre pareille, avec Sur la piste de Yéshé qui paraîtra le 29 octobre. C’est une lettre qui va déclencher ce dernier voyage de Jonathan dans ce Tibet occupé qu’il aime tant. Amours, poésie et splendeurs himalayennes seront au programme de cette dernière envolée.

Les nouveautés à ne pas rater

Le Lombard a également misé sur quelques nouveautés pour cette rentrée, choisissant avec attention ses titres pour s’assurer qu’ils se différencient par leur thématique ou leur style. Et le moins que l’on puisse dire est qu’ils visent juste, car leurs deux premières parutions nous ont pleinement convaincus. Tout d’abord avec le premier tome de la série Urbex signée par Dugomier, le scénariste des Enfants de la Résistance et des Omniscients, deux séries qui fonctionnent très fort, et dessiné par Clarke fort de sa maîtrise du fantastique via ses magnifiques compositions de pages.

Ensuite, avec Quelqu’un à qui parler au sein duquel Grégory Panaccione adapte avec intelligence et talent le roman de Cyril Massaretto. En ressort un magnifique roman graphique, porté par la dynamique du découpage de l’auteur et la vivacité de ses personnages. Deux cents cinquante pages qui se lisent presque trop vite, et dont la portée universelle parlera au plus grand nombre.

Fort de ces deux réussites, nous suivrons attentivement les sorties à venir : le parcours de M. Renault, via Benjamin Benéteau qui livre son premier album en solo en dehors de Michel Vaillant, accompagné ici par le scénariste Antoine Lapasset.

Autre nouvelle série qui captive déjà par son casting, Chroniques diplomatiques scénarisée par Tristan Roulot (Le Convoyeur, Hedge Fund) et dessinée par Christophe Simon (Corentin, Kivu). Nous allons nous immerger dans les méandres de la géopolitique des années 1950, avec un tandem de héros : le premier mène le bal diplomatique tandis que dans les coulisses, son ami se salit les mains pour la cause. Tout un programme !

Le premier tome de "Chroniques diplomatiques" sort le 24 septembre

La surprise graphique devrait venir d’un one-shot au sein de la prestigieuse collection Signé consacré à Degas, et mis en lumière par Efa sur un scénario de Salva Rubio. Souvenez-vous, ils avaient déjà réalisé ensemble le somptueux Monet chez le même éditeur. Rien que la couverture annonce la couleur :

Enfin, un dernier one-shot intitulé La Dame blanche nous emportera dans le monde des EPHAD. Quentin Zuttion nous fera rencontrer Estelle, une infirmière trentenaire un peu perdue dans sa vie intime, et que son empathie va entraîner sur une voie sans issue...

Valorisation du fond

L’éditeur bruxellois n’en oublie pas ses séries installées, avec Lonesome le nouveau western d’Yves Swolfs qui bénéficiera une fois de plus d’un tirage limité noir et blanc, précédant l’album classique en couleurs. Et la jeunesse n’est pas oubliée non plus avec la suite d’Hercule, Agent intergalactique, porté par le scénario de Vincent Zabus et le dessin d’Antonello Danela.

Enfin, nous allons profiter de la conclusion des Trois fantômes de Tesla, la superbe saga graphique et fantastique soutenue par le scénario de Richard Marazano et magnifié par le dessin de Guilhem Bec.

Le Lombard continue également à valoriser son fond, avec des intégrales aux thématiques aussi diverses que variées : Les Temps nouveaux de Warnauts & Raives, CH confidentiel de Ceppi, déjà l’intégrale des trois premiers tomes de Tango ainsi que le dernier recueil de Vasco. Et faisant suite à la précédente intégrale de Celui qui est né deux fois, l’éditeur rassemble les quatre tomes de Red Road pour prolonger le périple réaliste de Derib consacré aux Amérindiens.

Moralité : au sein de cette abondance attendue sur les étals des libraires, il faudra faire attention aux albums du Lombard, s’ils continuent à nous ravir comme cela a été le cas pour leurs deux premiers titres de l’année.