Le plus grand festival de BD de Suisse vit sa petite révolution. Dominique Radrizzani, le directeur artistique en place depuis 2014, a quitté l’événement "d’un commun accord" avec la Fondation lausannoise en octobre dernier. Sur la base d’une divergence stratégique dont les termes sont étrangement proches de ceux qui avaient entraîné le départ de son prédécesseur.
BDFIL est géré par le Conseil de la Fondation lausannoise pour le rayonnement de la BD dont Stéphane Montangero est le président. Selon une enquête du média suisse Blick, les financements sont divers et conséquents : 400 000 francs (410 764 €) par an sont consentis par la Ville et 45 000 francs (46 210 €) par le Canton ; ajoutez à cela des mécènes, des sponsors et des recettes propres élevant le budget total à 900 000 francs suisses par an (924 219 €). Pour comparaison Angoulême a un budget de 4 millions d’euros par an.
Le Conseil de la Fondation souhaite faire repartir à la hausse le nombre de visiteurs en chute libre depuis 2017 : 35 000 visiteurs cette année-là ainsi que la précédente contre 18 000 en 2021. La crise sanitaire n’y est pas pour rien puisqu’il est important de se rappeler que l’édition 2020 ne s’est pas tenue et que celle de 2021 était soumise au "pass sanitaire". Rappelons que le Festival d’Angoulême rencontre le même genre d’ennuis.
La fréquentation de cette année risque d’être elle également impactée car les derniers mouvements de direction sont venus perturber l’organisation de l’événement prévu pour septembre et octobre.
Un grand écart ?
Le départ de Dominique Radrizzani, historien de l’art, ancien directeur du Musée Jenisch de Vevey, interroge sur la direction artistique des futures éditions du festival. Une manifestation que le Conseil de la Fondation jugeait trop élitiste : « Entre un comité de fondation et un directeur, c’est comme dans un couple dit un communiqué On voit d’abord tous les côtés avantageux, et puis un jour les visions peuvent diverger... ».
Le nouveau "couple" s’agrémente donc de deux nouvelles co-directrices. Gaëlle Kovaliv, thésarde sur la transition numérique de la bande dessinée et co-rédactrice en chef de Comicalités, revue universitaire consacrée à l’étude du neuvième art, a travaillé comme chargée de projets et à l’organisation d’évènements pour la Société des Ingénieurs et des Architectes (SIA), la Nuit des musées de Lausanne et Pully, et pour BDFIL où elle a côtoyé son binôme. Léonore Porchet, diplômée d’histoire de l’art de l’Université de Lausanne, est également secrétaire générale de la Swiss Comics Artists Association. Elle a coordonné le Réseau BD Suisse et rendu un mémoire consacré à la bande dessinée genevoise. Toutes deux n’entreront en fonction que le 1er septembre 2022 (nous en reparlerons) et n’ont donc pas été chargée des événements de cette année. En attendant, la programmation s’accroche aux branches...
Ce duo d’érudites et passionnées colle-t-il au mantra du Conseil qui souhaite que le festival soit une fête « belle, inclusive, populaire, durable et bédéphile » ? Sans aucun doute pour ce qui est des deux premières qualités de la proposition. Pour les suivantes, il faudra patienter jusqu’en 2023. Mais le fait que la BD ne se place qu’en cinquième et dernière position dans l’énonciation des valeurs de BDFIL annonce un périlleux grand écart.
Pour l’heure, l’édition 2022 se dévoile petit à petit avec en septembre une semaine de médiation culturelle s’appuyant sur une exposition au thème éminemment populaire : Il était une fois des monstres : naissance monstrueuse dans la bande dessinée qui se déploie dans les six bibliothèques municipales de Lausanne.
Pour Emil Ferris, l’autrice de Moi ce que j’aime, c’est les monstres (Éditions Monsieur Toussaint-Louverture), personnalité BD de l’année 2019 sur ActuaBD.com, « les monstres représentent la vérité, celle qu’on ne veut pas voir en face... » [1] Intéressant.
(par Kelian NGUYEN)
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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MISE À JOUR DU 2 AOÛT 2022.
[1] Lire notre interview à ce sujet.