Début du XVIe siècle, à la mort de son père, Malinalli, la fille du chef du village placé sous la domination des Mexicains est vendue comme esclave à un clan rival. Mais dans cette Amérique fortement perturbée par une colonisation agitée et brutale, la jeune femme va passer « de main en main ». Elle mettra à profit ses capacités innées pour les langues et les différents dialectes de ce vaste territoire. Au cours de ses pérégrinations, elle devient l’interprète puis la maîtresse d’Hernan Cortès, le célèbre conquistador espagnol fortement attiré par des légendes évoquant les montagnes d’or de ce qu’on nomme alors le Nouveau Monde.
Personnage controversé, elle est considérée tantôt comme une habile négociatrice à cause de sa proximité avec les Espagnols, tantôt comme une traîtresse, accusée d’avoir fourni de précieuses informations aux envahisseurs. On peut penser qu’elle a aussi pu contribuer à empêcher certaines violences envers les populations locales. Le peu de sources existantes (et fiables) qui subsistent ne permet pas d’avoir une vision précise et objective du personnage.
Reste la légende d’une figure importante de l’histoire sud-américaine au destin exceptionnel et qui a donné l’occasion à Alicia Jaraba de tracer le portrait d’une femme puissante au destin passionnant et attachant.
Dans cet album, la jeune autrice nous décrit le parcours atypique de celle, plus connue sous le nom de Malinalli puis de Malinche. Si l’interprétation des faits historiques reste libre, le récit se révèle dense et riche en rebondissements avec une valeur ajoutée artistique.
Ce récit de 256 pages conserve une fluidité et une belle attractivité notamment par ses qualités de grande lisibilité, un dessin souple et dynamique et des ambiances lumineuses.
Fille d’un bédéaste espagnol et compagne du dessinateur Victor L Pinel (Puisqu’il faut des hommes, Bamboo/Grand Angle) Alicia a d’abord étudié la littérature espagnole pendant plusieurs années avant de se tourner vers une école d’arts graphiques (ESDIP de Madrid) pour commencer à étudier la BD.
À partir de 2017, elle publie des séries jeunesse (Les Détectives du surnaturel, Jungle) ou L’Oncle Dolto chez Delcourt. Avec ce roman graphique, elle se lance non seulement dans une production ambitieuse et exigeante, révélant au passage des qualités narratives et graphiques, mais aussi réhabilite avec émotion et sensibilité cette figure de l’histoire amérindienne méconnue en Europe.
Une vraie réussite !
(par Patrice Gentilhomme)
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