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Julien Papelier (Directeur Général de Dupuis) : Angoulême en lever de rideau pour une année passionnante

Par Charles-Louis Detournay le 29 janvier 2017                      Lien  
Le nouveau timonier de Marcinelle nous explique notamment pourquoi Dupuis revient à Angoulême et quels sont les axes forts de sa maison d'édition pour 2017.

Nous avons abordé au début de notre entretien la relation avec les auteurs et les libraires. Mais le public n’est pas non plus à négliger ! Est-ce pour cela que vous avez personnellement tenu à ce que Dupuis revienne à Angoulême ?

En effet, car le FIBD est un coup de projecteur formidable pour la bande dessinée. Il y avait des raisons légitimes pour ne pas être présent chaque année : visibilité du franco-belge grand public en décroissance, que cela soit dans les sélections ou les prix remis. Mais au final, c’est le lecteur qui m’importe le plus. Et j’ai pu voir encore récemment à La Fête de la BD de Bruxelles que Dupuis et Le Journal de Spirou réunissent autant les plus jeunes qui apprennent à lire avec la bande dessinée que les plus pointus des lecteurs.

L’Atelier Mastodonte reprend par exemple toute une génération d’auteurs expérimentés qui viennent s’éclater dans Spirou : c’est formidable ! Nous ne choisissons donc pas nos lecteurs et notre stand convient autant au grand public qu’aux experts où l’on peut s’amuser et vibrer dans l’exposition Seuls afin de faire le lien entre la bande dessinée et le film qui sera projeté en avant-première à Angoulême. Nous aurons également une scène, comme à la Fête de la BD, où nous proposerons des improvisations dessinées avec notamment l’Atelier Mastodonte.

Julien Papelier (Directeur Général de Dupuis) : Angoulême en lever de rideau pour une année passionnante

Lorsqu’on étudie votre programme, on se rend compte que vous avez étrenné toute une série de concepts à La Fête de la BD en vue d’Angoulême ?

Bien entendu ! Car nous voulons apporter de la fête et de l’ambiance à ce Festival, comme l’indique notre slogan : « Vivez la BD ! ». J’ai la chance de vivre un rêve d’enfant en travaillant dans le domaine de la bande dessinée, et j’ai envie de partager cette joie-là avec le plus grand nombre. Nous voulions donc dépasser le concept du stand classique d’Angoulême qui allie libraire idéale et dédicaces.

Selon vous, ce concept de stand est passéiste ?

Oui, si nous voulons renouveler notre public, avec la révolution numérique et les réseaux sociaux, l’événement et le Live sont devenus encore plus importants : cela a rendu l’expérience encore plus riche, plus forte et plus valorisante. Prenez le monde de la musique : les jeunes vous regardent bizarrement si vous leur offrez un CD pour Noël, mais ils vont voir dix à quinze concerts par an, à l’antipode de ce qu’on faisait à l’époque. La BD doit donc vivre et aller à la rencontre de son public. Angoulême, c’est à la fois les journalistes, les auteurs et tous les professionnels du milieu. Mais c’est aussi toute la région, toutes les écoles qui viennent, et la vitrine doit aussi être attirante à leurs yeux.

Le stand Dupuis, au FIBD d'Angoulême 2017

Est-ce que Dupuis va augmenter sa participation à d’autres festivals et événements ou voulez-vous attendre de débriefer cette édition angoumoisine ?

Non, nous sommes relativement certain de notre fait porté par le succès de ce format à la récente Fête de la BD à Bruxelles. Nous allons déjà à de nombreux festivals ; nous voulons surtout modifier un peu notre approche pour apporter à chaque fois un petit plus. Nous préparons d’ailleurs déjà des animations particulières pour la Foire du Livre de Bruxelles qui approche. Nous ne voulons pas être passifs et décliner toujours le même concept : nous voulons surprendre en permanence en modifiant nos approches.

Est-ce finalement votre objectif-clé : dépoussiérer l’image de Dupuis ?

Oui, Dupuis doit devenir surprenant ! Car même si Dupuis possède déjà une belle et grande image dûe à son passé, la bande dessinée demeure le médium de la surprise et de la nouveauté, car c’est celui avant tout de la jeunesse à la base.

Travailler les passerelles avec l’animation et les films, comme Spirou, Tamara et Seuls est une autre de vos priorités ?

Voilà effectivement notre quatrième grand axe : l’audiovisuel. À la fois, la volonté d’avoir un segment riche pour nos productions d’animation : Petit poilu qui a débarqué sur Canal + avec ses auteurs qui sont très impliqués dans cette adaptation, et il y a encore de nombreux projets en cours dont je ne parlerai que lorsque les financements seront verrouillés, mais également de nouveautés, car de jeunes pousses en bande dessinée peuvent immédiatement créer un écho et éveiller un intérêt dans l’audiovisuel. N’oublions que cette vente de droit représente aussi une belle récompense pour les auteurs Dupuis !

Vous êtes la maison de bande dessinée la plus dynamique dans ce secteur.

Lorsqu’un auteur signe chez Dupuis, comme chez tous les éditeurs du groupe Média-Participations, nous mettons en avant notre capacité à faire vivre leurs univers sur d’autres supports. Et nous avons la chance d’avoir en interne des professionnels de ces domaines, dont Laurent Duvault qui court en permanence la planète pour pitcher avec talent l’ensemble de notre catalogue : nous lui devons beaucoup ! Et Claude de Saint-Vincent a initié cela depuis quinze ans et continue de persévérer dans cette direction. Ce duo fonctionne très bien et propose de belles opportunités de visibilité.

Après, à nous, éditeurs, de profiter de ces films et dessins animés pour redonner un nouveau regard sur notre catalogue, d’enrichir notre offre éditoriale, et de replacer les titres sur le devant des étals. En douze semaines, l’album spécial de Tamara s’est vendu près de cinq fois plus que le tome précédent, ce qui est très valorisant pour Christian [Darasse] et Zidrou !

Vous parliez de Média-Participations..., de manière générale comment analysez-vous la baisse de régime de Média ces dernières années par rapport aux groupes Delcourt et Glénat ?

Je ne pense pas que le groupe Média ait perdu des plumes ces dernières années. Notez aussi que Glénat et Delcourt publient du franco-belge, mais également du comics et du manga. Et après le manga, c’est au tour des comics de rogner des parts de marché sur le franco-belge.

Il fallait donc un catalogue fort de comics, ce que nous possédons maintenant avec le très beau succès d’Urban Comics. Mais plus globalement, le résultat de cette analyse est assez évident à mes yeux : un patrimoine ne vaut que s’il est réinventé en permanence.

Vous dominez actuellement le secteur des intégrales patrimoniales : allez-vous prolonger cette remise en valeur de votre fonds ?

Cette seconde vie donnée à nos personnages les plus anciens fonctionne effectivement très bien chez Dupuis. Le travail réalisé les rédacteurs, dont Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault, mais aussi les maquettes de Philippe Ghielmetti et l’énergie des éditeurs pour ressortir des éléments valorisants de notre catalogue nous permettent de faire vivre d’anciennes séries, plutôt mieux que les autres éditeurs selon moi. Il suffit de lire le premier tome de la nouvelle intégrale de Lucky Luke pour s’en convaincre..

Autre exemple : notre travail sur Gaston avec le catalogue de l’exposition, mais aussi et surtout tout ce que nous préparons pour 2017, qui sera certainement l’année Gaston ! Le fer de lance sera un magnifique coffret à paraître au mois d’avril et qui reprendra de manière exhaustive tous les gags existants de Gaston.

Plus complet que l’intégrale des albums parus en 2015 avec son dos toilé vert ? On y retrouvera donc Fou du bus, les piles Philips, le gag pour la Sabena, etc. ?

Cette intégrale ne comprenait effectivement que le contenu des albums. Ici, les plus grands franquinologues de Bruxelles ont retravaillé tous les gags de Gaston pour les placer en ordre chronologique, y compris ceux absents des précédents tirages. Avec le temps, une patine s’est déposé sur les films, ce qui a quelque peu estompé le trait de Franquin. Nous sommes donc repartis des originaux, afin de trouver tout le talent de ce grand auteur. Il suffit de comparer les anciennes versions avec cette nouvelle mouture pour s’en convaincre : le résultat est tout simplement hallucinant. Nous avons également voulu retrouver les couleurs originelles, avec un gros travail de remasterisation à la clef.

Comment va se présenter cette édition spéciale ?

Il s’agit d’albums de taille standard, avec des reproductions de dédicaces originales en frontispice, ce qui permet d’admirer la générosité de Franquin à l’époque. Les couvertures seront aussi retravaillées, et les 22 albums sont vendus dans un grand coffret limité. Pour ce coffret, nous avons imaginé que ce soit Gaston qui ait réalisé un carton avec des étiquettes de travers, une ficelle pour solidifier le tout, et comme il restait de la place entre les albums, les interstices sont bourrés de vieux contrats de Demesmaeker ! Voilà donc un exemple de ce que Dupuis sait réaliser pour notre patrimoine et en dehors des nouveautés.

2017 sera donc l’année de Gaston et de Seuls

Et des autres séries bien entendu ! Dont Les Nombrils qui se déclinent en gags : les Premières Vacheries de notre trio. En effet, les arcs narratifs de la série nécessitent que Delaf & Dubuc y investissent beaucoup de temps pour tirer le meilleur de leur intrigue. Et les auteurs voulaient pouvoir entretemps s’éclater avec ces gags, ce qui permet d’ailleurs aux premiers lecteurs de retrouver également l’environnement des origines. Et cela sort au mois de mai !

Puis, n’oublions pas le retour de Largo Winch en fin d’année, avec toujours Philippe Francq, accompagné maintenant par Eric Giacometti, un ancien journaliste économique qui est devenu écrivain, et connaît un très grand succès en roman avec les aventures du Commissaire Marcas qu’il coécrit avec Ravenne. Nous sommes ravis du résultat, et ce sera un très gros événement pour Dupuis. Sans oublier d’autres sorties qui nous tiennent à cœur, dont le superbe Rose, Frnck dont nous parlions en début d’interview, ainsi que le drôle, inventif et intelligent Imbattable dans lequel on croit beaucoup. Suivra aussi Bushido, une très belle histoire initiatique qui reprend un peu les codes du manga adapté au franco-belge…. notre programme est très riche, j’en oublie...

Frnck à l'honneur du stand Dupuis, où les animations se succèdent

Avec Magic 7, Harmony est également une de vos séries dotée d’un fort potentiel jeunesse !?

Oui, Harmony a bien démarré, et nous voulons emmener cette série qualitative encore plus haut. Nous avons beaucoup d’ambition pour elle.

Sans oublier Spirou ?!

Bien entendu ! Tout d’abord avec le magnifique, drôle et piquant Vu par Yann & Schwartz qui vient de paraître, puis avec un très beau livre réalisé par Yves Sente & Laurent Verron pour la fin de l’année et qui raconte l’histoire d’un petit groom sur un transatlantique, ce qui aurait inspiré Rob-Vel. Sa trame douce-amère est surtout très émouvante ! Quant au Spirou d’Émile Bravo, également très attendu, il a commencé l’encrage de son album de plus de 300 pages, mais il faudra encore être patient.

Et pour finir, nous avons réfléchi avec José-Luis Munuera, en se disant qu’il n’y avait pas de bonnes histoires sans son méchant, et que le méchant qu’on apprécie le plus dans Spirou et Fantasio, demeure Zorglub, surtout que c’est un méchant que l’on se prend à aimer ! Nous allons lancer une série qui lui sera consacrée, en commençant par évoquer les rapports père-fille dans le premier tome qui s’intitulera La Fille du Z ! pour 2017 !

Nous avons donc de très beaux albums qui vont sortir prochainement, et nous allons profiter de cette dynamique très forte en 2017 sur l’ensemble de notre catalogue !

Un dernier mot : où en est le Parc Spirou ?

Il n’a jamais aussi près d’être lancé, toujours prévu pour 2018 ! Je serai très heureux de pouvoir annoncer le dénouement officiel dans quelques temps.

(par Charles-Louis Detournay)

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