Cet album commence en - 82, nous y retrouvons... Comment ? En 82 avant JC ? Non, non, nous sommes 82 années avant le début de la période Zénith du Donjon... Vous êtes perdus ? Voici un (très) court rappel : en 1997, Joann Sfar et Lewis Trondheim décident de réaliser une série aux proportions jamais envisagées, intitulée Donjon. Les origines (Potron-minet) sont dessinées par Christophe Blain, tandis que Trondheim s’occupe du dessin de la partie centrale (Zénith), et Sfar de la fin de cet univers, sous-titrée Crépuscule.
La numérotation donne le tournis, car la série débute au numéro -99, puis se prolonge au numéro 1, alors que la dernière sous-partie commence au numéro 101.
Pour un meilleur éclairage, allez relire cet article paru il y a deux ans, dans lequel nous expliquions le grand retour de Donjon avec plein de nouveaux albums ! Dans cet article, nous vous annoncions la suite de Potron-Minet avec un nouvel album -82, intitulé Survivre aujourd’hui. Il était prévu pour 2020...
Et il vient de sortir ! Retard ou confinement ? Peu importe ! Il est là, et on compte bien en profiter ! Pensez donc : cela fait treize ans que nous avions laissé Hyacinthe (le futur gardien du Donjon) et sa petite amie tueuse Alexandra dans un monde aux abois. La grande ville d’Antiopolis n’existe plus et, telle la Rome antique dans ce monde de monstres et de magie, sa chute augure une sombre période d’insécurité.
Pour les amateurs de la série Donjon, la seule question qui se pose est : " - Dois-je relire ou non les précédents tomes pour profiter de ce nouvel opus ?"
Très honnêtement, ce n’est pas essentiel, car les éléments qu’on y retrouve surfent sur les grandes tendances de la série, et vous allez pouvoir vous y retrouver sans problème. Toutefois, si vous êtes un peu patient et que vous désirez savourer votre plaisir, nous vous conseillons de non seulement relire les cinq précédents Potron-Minet, mais aussi les trois Donjon Monsters qui se déroulent pendant cette période, principalement Mon Fils le tueur ! Tout d’abord, car il est magnifiquement réalisé par Blutch mais surtout parce qu’il introduit l’un des personnages marquants de la série, qui opère son grand retour dans ce nouvel album : le dragon Marvin !
En effet, Hyacinthe, personnage central de cette période Potron-Minet, décide de faire appel au jeune dragon qu’il avait rencontré huit ans auparavant. Il faut dire que le moral du Comte de la Cavallère n’est pas au beau fixe. Son père est décédé dans l’album précédent, et Hyacinthe doit donc endosser la responsabilité du Donjon-zoo que son père avait mis en place. La belle Alexandra rêvant d’autres aventures que d’assister à des conseils d’administration avec un ex-justicier au ventre flasque, elle prend la poudre d’escampette. Mais pire que tout, la chute d’Antiopolis a jeté sur les routes une quantité de personnes aux abois qui sont attirées par les pseudo-richesses du Donjon comme des moustiques par une lampe de poche. Et ce n’est pas avec cinq acolytes que Hyacinthe pourra les repousser. Il se met alors en quête de défenseurs à recruter et, au cours de ses recherches, il tombe nez-à-nez avec deux armées en route pour venir écraser son Donjon. Quand on vous dit que cela ne va pas fort...
On profite pleinement de ce scénario dans ce nouvel opus. Alors que le - 83 pouvait se voir comme un album de transition loin du Donjon, celui-ci renoue avec les grandes destinées des personnages. On peut même parler d’un album majeur pour comprendre comment le Donjon est devenu celui que l’on va connaître au début de la période Zénith. De plus, Sfar & Trondheim mêlent avec talent humour et aventures, dans un cocktail assez réussi. Enfin, cerise sur le gâteau, le retour de Marvin et surtout l’arrivée de Grogro sont aussi jouissives graphiquement que narrativement.
Quant au dessin, c’est donc Stéphane Oiry qui prend la suite de Christophe Blain et de Christophe Gaultier. Oiry et Trondheim se connaissent depuis longtemps : ils ont collaboré sur les trois tomes de Maggy Garrisson et sur l’aventure de L’Atelier Mastodonte.
Après un précédent tome plus sombre, le style de Stéphane Oiry apporte une lisibilité bienvenue au récit, trouvant la juste atmosphère entre les tensions ressenties par Hyacinthe et un humour plus présent que dans le précédent opus.
Bien sûr, il faut s’habituer au style du dessinateur, notamment pour le personnage central du Gardien, mais comme celui-ci avait déjà auparavant été dessiné par une demi-douzaine d’autres auteurs, on entre rapidement et pleinement dans cette nouvelle histoire.
À conseiller à tous les amateurs de Donjon, sans restriction !
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Donjon Potron-Minet, T. - 82 : Survivre aujourd’hu - Par Lewis Trondheim, Joann Sfar & Stéphane Oiry - Delcourt
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Tous les visuels sont : ©Oiry, Trondheim, Sfar - Delcourt 2022.
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