Clarke nous avait surpris en réalisant en 2015 un recueil d’histoires courtes intitulé Réalités obliques. Proche de l’exercice de style, tout en profitant de l’inventivité de son auteur, cet album au format carré proposait une série de récit de 4 pages, chacune comportant 4 cases carrées. Ce schéma "carré" d’apparence rigoureuse était la porte d’entrée pour d’étranges réalités, celles qui se tapissent dans les coins sombres et les reflets de miroir, pour donner une nouvelle perception à ce qui nous entoure.
« Je suis reparti d’histoires que j’avais lues ou vues étant jeune, nous expliquait précédemment l’auteur, Mais je n’ai pas voulu les régurgiter à l’identique. Je me suis focalisé sur ce que j’avais ressenti à l’époque. J’ai donc presque réalisé un travail d’introspection pour revenir à des sentiments d’adolescent, afin de dégager une émotion très précise pour chaque saynète. L’aspect percutant et ramassé du format m’a permis d’aller directement à l’essentiel ! Ces petites histoires démarrent, dérapent, et n’offrent pas de réelle solution, plutôt des situations tronquées qui entraînent des questions. »
Clarke est donc parvenu à restranscrire en BD l’esprit de la nouvelle fantastique que l’on connaît en littérature. La réussite que représentait Réalités obliques appelait donc une suite, ce qui fut le cas en 2016 avec Mondes obliques. Puis, voici que sort un troisième recueil, qui sera d’ailleurs le dernier, d’après l’auteur.
Rencontres obliques préserve le concept initial (4 planches de 4 cases), mais Clarke invite cette fois d’autres auteurs à participer à son aventure. Et pas des moindres puisqu’il s’agit de Andreas, Raoul Cauvin, Aimée de Jongh, Vincent Dugomier, Foerster, Jospeh Safieddine, Kid Toussaint, Vehlmann et Zidrou !
Afin de préserver l’identité graphique de l’ouvrage, Clarke continue à assurer le dessin de tous les récits, en plus des deux tiers des scénarios. Comme pour chaque recueil d’histoires, certaines thématiques vont plaire plus particulièrement à certains lecteurs qu’à d’autres. De manière générale, Rencontres obliques est au niveau des deux précédents opus, sans baisser la qualité des surprenantes et fantastiques conclusions.
La cerise sur le gâteau consiste à deviner pour chaque histoire qui en a signé le scénario, ceci n’étant pas mentionné dans le récit lui-même, seulement dans la table des matières. On peut ainsi s’amuser à reconnaître les différents styles... ou à se tromper. Et s’il fallait opérer une sélection parmi ces invités, nous épinglerions Foerster, Dugomier et Zidrou (une fois de plus !) qui sont parvenus à saisir l’atmosphère particulière de la série.
Reste Clarke qui continuer à impressionner, parvenant encore à nous surprendre avec par exemple Un voile sur les vivants, Lucifer et une victime de plus, tout en jouant de son noir et blanc pour trouver le meilleur graphisme au diapason de chaque histoire. A lire et à relire avec un plaisir sans cesse renouvelé !
(par Charles-Louis Detournay)
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