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Décès de George Pérez, une légende des comics

Par Pascal AGGABI le 10 mai 2022                      Lien  
Qui a dessiné plus de personnages, souvent des super-héros, dans ses cases de BD ? George Pérez, le grand George Pérez, véritable légende des comics et auteur peut-être le plus apprécié, humainement, du milieu vient de nous quitter, le 6 mai, à l’âge de 67 ans, victime d'un cancer du pancréas. Fidèle à lui-même, il avait pris la peine d'annoncer ce futur décès à ses fans, toujours prévenant et le sourire inarrêtable, mais bon. Après Neal Adams, encore un géant des comics à l'œuvre considérable et totalement incontournable, ce n'est pas le cinéma qui accumule les dollars en y piochant avec entrain qui va dire le contraire.

Depuis 2019, et même bien avant, George Pérez, véritable bourreau de travail, amoureux fou de la création de BD et autant de ses fans qui le lui rendaient bien, souffrait de multiples problèmes de santé qui l’ont contraint à arrêter de dessiner et d’écrire. Un drame pour lui, on le devine. Mais ce n’était pas fini, hélas, puisqu’en décembre 2021, il avait confirmé qu’il était atteint d’un cancer du pancréas incurable avec espérance de vie de 6 à 12 mois, au plus. Il vient de s’éteindre et c’est le moment de lui rendre hommage.

George Pérez était né le 9 juin 1954 dans le sud du Bronx, à New York. Fils de deux immigrés portoricains. Il dessinait depuis son enfance et a toujours voulu devenir artiste, de BD évidemment. Il a commencé en 1973, comme assistant du dessinateur Rich Buckler. Peu après, il fait ses vrais débuts chez Marvel Comics dans Marvel Astonishing Tales avec une courte histoire de deux pages avec Deathlok, création du même Buckler.

Rapidement, il cocréé le personnage d’origine portoricaine de White tiger avec Bill Mantlo, un super-héros que l’on verra dans la série Spider-Man en compagnie du héros titre. Puis, toujours très vite, on le remarque, même si son dessin n’est pas encore totalement accompli et il travaille sur Inhumans puis The Avengers. Ensuite sur Fantastic Four, excusez du peu.

Pérez prend de l’envergure. Assurément, il plaît. De plus, autre époque, il dessine alors le contenu de trois comics et demi par mois ! De quoi se former, Non ? Surtout avec des livres mettant en scène des équipes de super-héros, son domaine de prédilection. Les images avec beaucoup de personnages vont devenir sa marque de fabrique, son emblème.

Décès de George Pérez, une légende des comics
George Pérez et John Tartaglione dans The Avengers (1976)
© Marvel Comics

Mais les comics, à ce moment-là, ont du mou dans les genoux, le public boude un peu. Alors on se cherche, on tente des choses. Comme par exemple l’adaptation BD du film puis série TV Logan’s Run pour Pérez et le scénariste Gerry Conway.
Pérez y voit une occasion de lever le pied question rythme de production avec ce succès garanti d’avance. Il faut dire qu’il connaît quelques problèmes conjugaux avec son épouse d’alors qui supporte mal de vivre avec un ermite du crayon. Mais Logan’s Run est un échec et le dessinateur reprend son rythme de croisière et reprend les séries Avengers, Fantastic Four et Inhumans, tant pis pour la paix conjugale. L’histoire finira par un divorce qui laissera un temps Pérez hagard. Jusqu’à ce qu’il rencontre sa deuxième et définitive épouse, qui semblait beaucoup plus apprécier la vie des auteurs de BD.

George Pérez et Kurt Busiek dans The Avengers
© Marvel

Sortie de crise.

Chez Marvel Comics, fin 1970, après la période relative de marasme évoquée, on se relance enfin : un certain John Byrne au crayon, aidé par Chris Claremont au scénario est en train de casser la baraque, avec la nouvelle version des X-Men.

Chez DC Comics, on fait bien plus grise mine, créativement, les ventes s’en ressentent sacrément et on commence à douter. Mais DC ne se laisse pas trop abattre. Les X-men renversent tout ? Aussitôt l’éditeur de Superman débauche d’ancien éditeurs en chef de Marvel pour peaufiner une série capable de tenir tête à la concurrence marvellienne. C’est de bonne guerre, surtout que chez Marvel, côté éditorial, ça tangue, les départs sont nombreux.

John Byrne, George Pérez et Ralph Macchio : quand Wonderwoman rencontre Superman (1978)
© DC Comics

Un nouveau souffle pour DC ? Ce sera une refonte : la série les New Teen Titans ! Le dessinateur choisi ? Ben, George Pérez, évidemment, contrat d’exclusivité à l’appui. Bonne pioche. New Teen Titans qui n’oublie pas de regarder du côté des X-men, encore de bonne guerre, une vieille habitude entre DC et Marvel et réciproquement..

Les New Teens Titans relancent DC Comics. George pérez avec Marv Wolfman.
© DC Comics

Pérez en profite pour optimiser sa technique et son style de dessin, fourmillant de détails, au cours des quatre années où il travaille sur la série. Tout cela a contribué à propulser la popularité de Pérez au sommet, qui reçoit de nombreuses récompenses et les applaudissements nourris des fans.

Dès lors, dans le sillage, DC retrouve de l’élan, des ventes qui explosent, et avec les X-men d’un côté et les Teen Titans de l’autre, c’est toute l’industrie des comics qui retrouve des couleurs. Bientôt, globalement, des records de ventes, toujours inégalés, vont faire briller les yeux de tout le monde, jusqu’à éblouir !

Mais nous n’en sommes pas encore là : George Perez et Marv Wolfman, son compère créatif scénariste des Teen Titans se penchent, en 1985, sur la mini-série, destinée à mettre de l’ordre dans l’incompréhensible pétaudière des multivers de DC Comics, Crisis on Infinite Earths. Ainsi, à l’occasion du cinquantième anniversaire de DC, on en profite pour restructurer en profondeur la continuité du monde des super-héros de l’éditeur. Avec une histoire qui mettait en vedette presque tous les super-héros de DC. Un sacré ménage au final, nécessaire.

Crisis on Infinite Earths. Un tournant dans l’histoire de DC Comics.
© DC Comics

Petite pique pour Pérez : c’est d’abord à John Byrne de chez Marvel, devenu megastar, à qui on pense pour dessiner cette histoire. Finalement Byrne relancera Superman pour DC Comics, cause de grosse fâcherie pour lui avec Marvel. DC fera aussi les yeux doux à Frank Miller, l’autre incontournable "monsieur Marvel" du moment, Miller qui donnera sa version brutale et âpre de Batman. Quand on parlait de bonne guerre...

L’hommage de Jim Lee sur Twitter

De là, et sur cette base saine et fortement rafraîchie, après la mini-série Crisis on Infinite Earths, Pérez, dessinateur et scénariste, relance, lui, la série Wonder Woman, en mettant l’accent sur l’aspect mythologique. Encore un moment marquant de l’Histoire des comics, décidément. La réalisatrice Patty Jenkins a cité Pérez comme une influence majeure pour le film Wonder Woman avec Gal Gadot.

George Pérez. Wonder Woman.
© DC Comics

Ensuite.

Dans les années 1990, alors que de jeunes loups échappés de Marvel chamboulent tout jusqu’à la folie furieuse et la déraison de tous, plusieurs décisions éditoriales chez DC que Pérez ne cautionne pas l’obligent à trouver refuge chez des éditeurs plus petits comme Malibu Comics et Tekno Comix, pour lesquels il dessine, un peu désabusé.

Après quelques années d’errance de Pérez et, il faut bien le dire, de l’industrie des comics toute entière puisque Marvel Comics va même faire faillite, il retourne finalement chez Marvel et DC à la fin de ces années 1990. À partir de ce moment plus heureux pour lui, George Pérez a prêté ses talents, au fil des ans, à des séries telles que Superman, Hulk, La saga Thanos Infinity Gauntlet, Teen Titans, Green Arrow, Final Crisis, Justice League of America , Supergirl, The Brave and The Bold, la fameuse histoire partagée entre les éditeurs Marvel et DC :Avengers/JLA, la nouvelle série Avengers après la période Heroes Reborn qui a relancé Marvel après sa faillite, six premiers épisodes de Superman New 52.... en tant que scénariste, dessinateur ou encreur.

George Pérez sur Batman en 1989 avec Tim Drake / Robin.
© DC Comics

Rappelons que George Pérez a porté en lui pendant près de 20 ans le projet, d’abord avorté, du crossover Marvel/DC : JLA/Avengers avant de pouvoir finalement lui donner naissance, une reprise en fait, en compagnie du scénariste Kurt Busiek en 2003. Les fans attendaient ça depuis aussi longtemps.

Ainsi, de fil en aiguille, plus ou moins sereinement, Pérez dessine et scénarise jusqu’en 2016 pour Marvel, DC, CrossGen, Boom Studios... Avant de prendre sa retraite en 2019 pour raisons impératives de santé.

Déjà, en 2013, il avait souffert d’une opération au laser qui l’avait laissé aveugle d’un œil. À quoi se sont rajoutés par la suite attaque cardiaque et diabète. Fin 2021 un cancer du pancréas de phase 3 est diagnostiqué, il décide de ne pas suivre de traitement et de "laisser faire la nature". Il ne lui reste que quelques mois à vivre et il compte les savourer pleinement avec sa famille ses amis et ses chers fans.

Toujours avec son éternel sourire...

À l’annonce de ce futur décès d’une légende des comics et acteur majeur de la création et de l’animation de leurs personnages, DC et Marvel se sont à nouveau rapprochés pour rééditer à 7000 exemplaires le crossover JLA/Avengers au profit de l’association caritative destinée à aider les artistes de comics en difficulté médicale ou financière : Hero Initiative. Un tirage déjà épuisé.

Pérez a été à l’origine de Hero Initiative pour laquelle il dessinait régulièrement des œuvres vendues aux enchères, il sollicitait de nombreux collègues pour faire de même. De nombreux artistes en souffrance, souvent vétérans, ont pu avantageusement profiter de cette aide pour le moins précieuse et providentielle.

Reconnaissance légitime : en juin prochain, DC rendra hommage à George Pérez en lançant une initiative spéciale pendant tout le mois.

Avec l’éternel sourire de George Pérez, c’est une autre étoile, géante et très lumineuse, de l’univers des comics qui s’est éteinte.

(par Pascal AGGABI)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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