Laurie et Brian ne sont pas sortis du labyrinthe - des labyrinthes même, puisque Charles Burns met son titre au pluriel - dans lequel ils se perdent. Car si le récit du deuxième volume de Dédales semble moins complexe et plus linéaire celui du premier tome, les personnages s’enfoncent davantage dans les non-dits, les allers et retours entre conscient et inconscient, et la confusion entre réalité et fiction.
Le volume qui inaugurait la série était centré sur la rencontre entre Brian, jeune homme étrange et taiseux, passionné de cinéma d’horreur, et Laurie, belle rousse prévenante, curieuse et attentive. Avançant à petits pas, leur relation a pour pivot le cinéma : Brian veut le faire découvrir à Laurie et il souhaite qu’elle soit l’actrice principale de son propre film. Le deuxième tome raconte une partie du tournage voulu par Brian, occasion pour une petite bande de se retrouver dans une cabane perdue au bord d’un lac.
Brian, en décalage avec ses amis, est concentré sur la réalisation. Pointilleux, presque obsédé, il veut que les images filmées soient au plus près de ce qu’il a en tête. Les autres ont davantage envie de s’amuser, de rire et de boire. Ils ont du mal à respecter les consignes strictes de Brian et ne sont pas loin de le moquer. Seule Laurie, grâce à sa patience et son empathie, parvient à faire le lien, même s’il reste difficile de comprendre ce qui rapproche vraiment ces deux-là.
Charles Burns file les thématiques posées dans le premier tome. Les rapports troubles entre conscient et inconscient, image rêvée et image filmée, réalité et représentation, amitié et amour, sont développés sans que de véritables clés ne soient encore dévoilées. L’entrelacement des questions, d’ailleurs jamais directement posées - Charles Burns n’ayant pas l’habitude de faire dans l’explicite, et tant mieux ! - apporte une forte densité à une récit d’apparence simple voire anodin.
Le mystère reste complet. Où Brian veut-il vraiment en venir ? Où le mènera sa fascination pour Laurie ? Que cachent les formes extraterrestres qu’il imagine ? Charles Burns ne livre aucun piste. L’envie d’en savoir plus est donc forte, même si elle n’empêche pas de savourer la lecture. Le style du dessinateur, avec son encrage puissant ici rehaussé de couleurs franches mais plutôt douces, est à son apogée. Les compositions, le rythme et les références renvoient au cinéma - l’un des sujets majeurs de Dédales - sans que l’auteur ne cherche à en singer les effets.
Il faudra attendre encore pour découvrir les motivations profondes de Brian et de Laurie, dont les voix se partagent la narration. Inutile d’ailleurs d’aller chercher une hypothétique édition originale : Cornélius est le premier éditeur au monde à publier cette œuvre de l’un des maîtres de la bande dessinée alternative américaine.
(par Frédéric HOJLO)
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Dédales 2 - Par Charles Burns - Éditions Cornélius - 58e ouvrage de la collection Solange - traduction de l’anglais (États-Unis) & adaptation : David Langlet - 22,4 x 29 cm - 64 pages couleurs - couverture cartonnée avec dos toilé - parution le 26 août 2021 - 22,50 €.
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