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Les Futurs de Liu Cixin T. 6 : Proies et Prédateurs - Par Jean-David Morvan & Yang Weilin – Éd. Delcourt

Par Charles-Louis Detournay le 14 octobre 2022                      Lien  
Avec "Les Futurs de Liu Cixin", impossible de dire : "On prend les mêmes, et on recommence !" Chaque adaptation de nouvelle est confiée à des auteurs différents qui livrent leur propre vision de l'anticipation science-fictionnelle de l'écrivain chinois. Cette fois, on évoque rien de moins qu'une invasion extraterrestre prête à pomper les réserves naturelles de la Terre. On tremble, on rit, on s'interroge et on se passionne...

Des extraterrestres qui arraisonnent la Terre comme une station essence afin d’en pomper les éléments propres à la vie, voilà qui doit rappeler la série "V" aux quadras et quinquas. L’analogie se prolonge lorsqu’on se rend compte que ces extraterrestres sont des lézards humanoïdes, même s’ils ressemblent plus à nos anciens dinosaures.

La comparaison s’arrête là, dans la nouvelle de l’auteur chinois Liu Cixin, pas question de guérillas urbaines. Et pour cause, ce ne sont pas des myriades de vaisseaux qui s’approchent de la Terre, mais un seul ! Sauf que celui-ci fait des dizaines de milliers de kilomètres de diamètre, suffisamment gigantesque pour enchâsser notre planète avant de la vider progressivement de ses ressources.

Les Futurs de Liu Cixin T. 6 : Proies et Prédateurs - Par Jean-David Morvan & Yang Weilin – Éd. Delcourt

Comment l’ONU a-t-elle été informée de l’arrivée de ce "Dévoreur" ? Une émissaire le précède et annonce sa venue. Oh, mais elle ne collabore pas avec lui, non, c’est la rescapée d’une précédente civilisation engloutie et ingérée par ce Dévoreur.

Elle s’allie finalement aux humains pour leur livrer toutes ses connaissances acquises lors du combat que son peuple a perdu. Un don à la Terre pour qu’elle puisse préparer sa défense... ou son anéantissement. Le Dévoreur n’arrive que dans... cent ans ! Mais un siècle, c’est beaucoup et peu à la fois pour se préparer à affronter l’impensable...

Expert en BD que vous êtes, vous n’aurez pas manqué de faire le lien entre ce pitch et le récit du Surfer d’argent, le héraut qui précède Galactus. Certes, Liu Cixin part de bases assez répandues, mais a l’avantage de faire preuve d’originalité dans la suite de son traitement. D’abord en accordant un siècle entier de répit et de préparation aux hommes. De quoi mettre ses différends de côté, et de se fédérer autour d’une cause dont l’importance nous dépasse tous.

Le second point fort est de parvenir à personnifier ce combat entre deux civilisations. Un ambassadeur extraterrestre débarque sur Terre, et se prend d’intérêt pour un colonel chinois, jusqu’à lui donner une pilule de longévité afin de lui permettre d’organiser la défense de la Terre. Le gibier est plus savoureux s’il a tenté de se rebeller, et par cette idée, nous prenons fait et cause pour cet irréductible défenseur de la race humaine.

Il a pourtant fort à faire, car l’envahisseur ne nous surpasse pas uniquement en technologie, il s’autorise également à administrer de très belles leçons de morale. Parce que le combat est avant tout affaire d’arguments : peut-on faire plier l’adversaire en invoquant la raison, tout en fourbissant une stratégie vouée à l’exterminer ? Voilà là tout le suspense porté par ce passionnant récit.

Aux rênes de l’adaptation, on retrouve un maître francophone du genre ! JD Morvan a déjà adapté bien des romans et des récits. Et il démontre une fois de plus toute son efficacité, en laissant le dessin accomplir des prodiges contre laquelle une avalanche de mots ne pourrait pas rivaliser en bande dessinée. Le découpage est ultra-fluide, ce qui permet de lire cet album avec un plaisir croissant au fur et à mesure que l’on découvre le récit.

Quant au dessinateur Yang Weilin, il cumule talentueusement les genres, entre un personnage central attachant, une émissaire kawaï et de terrifiants envahisseurs. Rajoutons qu’un beau dépliant central apporte la profondeur nécessaire à cette apocalypse annoncée. Non, décidément, on ne sort pas indemne de cette confrontation épique avec le Dévoreur.

Heureusement, le récit permet de dépasser la fiction pour nous interroger sur notre propre futur, et c’est bien là tout l’intérêt des récits d’anticipation : jouer sur la parabole pour proposer une prise de recul salutaire. En l’occurrence, Proies et prédateurs apporte une réflexion sur les humains qui se fédèrent contre un grand danger. On peut alors se questionner sur la calamité qui nous menace depuis des dizaines d’années : le réchauffement climatique, et contre laquelle la réponse conviviale n’est sans doute pas au niveau des conséquences de plus en plus prévisibles.

La seconde leçon principale est l’humilité que les humains doivent ressentir par rapport aux autres races et espèces. Notre expansion nous fait oublier les dommages que nous créons volontairement ou pas aux autres organismes vivants qui partagent bien malgré eux le même biotope que nous.

Ces éléments, et bien d’autres, dépendront de l’acuité du lecteur. Certains n’y verront qu’un récit de SF intéressant, d’autres creuseront plus loin, mais sans jamais y voir un pessimiste perceptible, car l’espoir est toujours au bout du tunnel, d’une façon ou l’autre. Et grâce au travail de JD Morvan et de Yang Weilin, ce Proies et prédateurs en devient l’un des opus les plus intéressants de cette collection jusqu’à présent. À "dévorer" sans modération !

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782413030157

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