Né l’année de la création du Journal de Spirou et le jour de celle du Journal Tintin, le 26 septembre 1938 à Antoing, près de Tournai en Belgique, Raoul était avant tout un rieur.
Il connaissait la chose graphique comme personne ayant étudié la lithographie publicitaire à Saint-Luc à Tournai. Premier gag : il s’aperçoit que, supplanté par l’offset, ce métier n’existe plus. Il fait divers emplois, notamment dans une usine de boules de billards, avant d’entrer chez Dupuis comme lettreur, à l’instar d’un certain… Willy Lambil. C’est comme cela que l’on débutait à Marcinelle.
Mais il monte bien vite les échelons : cameraman aux studios (embryonnaires) des éditions Dupuis pendant sept ans, il s’essaye aux scénarios en marge de ses activités pour la société dont il restera l’employé jusqu’à sa retraite. Il collabore avec ses copains d’atelier Ryssack (Arthur et Léopold), Gennaux (L’Homme aux phylactères, Loryfiand et Chifmol), Degotte, Carlos Roque ou encore Vittorio. Puis, en 1968, avec une ravissante parisienne du nom de Claire Bretécher (Les Naufragés).
C’est le début de sa carrière. Cette année-là, Lucky Luke migre chez Pilote. C’est à la fois le transfert d’une des séries les plus populaires du journal mais aussi la fin de la collaboration du journal avec Goscinny. Lourde perte. Mais qui ouvre la porte à de nouveaux talents. Avec le dessinateur Salvérius, Cauvin propose Les Tuniques bleues. Succès immédiat qui, en dépit de la disparition inopinée de son dessinateur, sera brillamment porté par le dessinateur Willy Lambil.
Cauvin scénarise à tout va dans le domaine de l’humour, son pré-carré : pour Franquin, pour Walthéry, pour Arthur Piroton de même que pour ses complices habituels Salvérius puis Lambil, Berck, Mazel, Marc Hardy, Tony Laudec, Daniel Kox, Philippe Bercovici, Bédu, Achdé, Louis-Michel Carpentier, David de Thuin, Jacques Sandron, Nic Broca, Glem, ... Des séries qui ont marqué la BD belge : Les Tuniques bleues, Cédric, L’Agent 212, Pierre Tombal, Sammy, Les Psy, Les Femmes en blanc, Cupidon... Que des succès qui ont forgé l’identité des éditions Dupuis dans les années 1980.
Peu reconnu car trop populaire ?
Il incarnait une bande dessinée familiale, populaire, celle que l’on diffuse dans les supermarchés. Il faut le dire : même son éditeur Dupuis était embarrassé par son succès. Dans la monographie qu’il lui a consacrée, Patrick Gaumer date de 1984 le divorce entre Angoulême et cette BD commerciale : cette année-là, Peyo, l’auteur des Schtroumpfs, reçoit l’"Alfred Enfant". L’auteur étant absent, C’est Raoul Cauvin qui monte sur la scène pour recueillir le trophée : il se fait siffler par la salle…
Cette anecdote montre bien la schizophrénie d’une bande dessinée qui se nourrit de la BD commerciale et qui en même temps la méprise. Goscinny, Uderzo ou Jean Van Hamme avaient souffert des mêmes préjugés. Cauvin avait compris la leçon. Il restait à sa place, et ne manquait pas régulièrement d’ouvrir sa gueule à l’occasion, notamment sur ActuaBD.
Humaniste et empathique
Ce qui caractérise Cauvin, c’est l’empathie. Envers les soldats transformés en chair à canon dans Les Tuniques bleues, envers le grand-père à peine accepté dans sa propre famille dans Cédric, envers les Femmes en blanc, ces héroïnes du quotidien seulement reconnues en période de pandémie, envers le policier « punching ball » de ses contemporains de l’Agent 212, envers le fossoyeur dans Pierre Tombal, victime de notre peur de la mort, envers Les Psy, chargés de supporter les turpitudes des âmes de leurs patients…
La mort, il s’y attendait, atteint d’un cancer de la gorge, épuisé par les chimiothérapies. Il préférait en rire, la recevoir comme une bonne amie, et nous transmettre sa bonhommie, sa bonne humeur, sa tendre révolte, sa modestie.
Dans une récente interview, nous lui posions cette question : « - Pour rester dans l’esprit de Pierre Tombal, Quelle épitaphe écririez-vous pour vous ? » Sa réponse : « Le mot « FIN », c’est tout. C’est le mot que je mettais à chaque fin de mes scénarii. »
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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