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White Boy – Par Garrett Price – éditions 2024

Par Thomas FIGUERES le 16 janvier 2023                      Lien  
Le pendant patrimonial des éditions 2024 s'est récemment étoffé avec la publication de "White Boy, les plus belles pages du dimanche 1933-1935", compilation de sunday pages signées Garrett Price. Un "strip" de western novateur par l'intérêt qu'il porte aux Indiens d'Amérique et leur mode de vie et dont l'humanisme teinté d'humour a su séduire le comité de pré-sélection angoumoisin puisqu'il concourt dans la sélection patrimoine.

Bel ouvrage plus large que haut, 36.8 par 27.8, White Boy s’ouvre sur une préface érudite et éclairante signée Peter Maresca. Bien connu des amateurs de sunday pages, ce dernier n’est autre que le fondateur de la maison d’édition américaine Sunday Press books dont l’objet est précisément l’édition patrimoniale de ces fameuses planches du dimanche dont les journaux américains du XXe siècle regorgeaient.

Cette introduction permet de saisir le contexte de production de la série, tout en appuyant sur sa singularité au sein du paysage dessiné d’époque. White Boy est l’une des, si ce n’est LA première série dessinée à mettre en scène des Indiens doués de paroles intelligibles au centre de son scénario. En côtoyant la tribu arc-en-ciel, le White Boy va en apprendre long sur leur mode de vie, leurs rites et coutumes, et s’éloigne ainsi des canons du western d’alors.

C’est notamment l’originalité de l’angle choisi par Price qui justifie sa réédition. Les qualités graphiques et l’évolution du trait et des techniques employées par Price au cours de ces deux années de publication, les libertés prises dans certaines compositions de planches de même que la science du découpage de l’auteur ne sont bien évidemment pas en reste.

White Boy – Par Garrett Price – éditions 2024
© éditions 2024

L’entreprise éditoriale que cela représente est par ailleurs saluée par une nomination dans la sélection patrimoine du prochain Festival d’Angoulême, sélection dans laquelle le jeune cow-boy jouera des coudes avec notamment le fabuleux Ras le bol de Cardon (éd. Les Requins marteaux & Super Loto), Fleurs de pierre de Hisashi Sakaguchi (éd. Revival) ou encore l’incontournable Love & rockets des frères Hernandez (éd. Komiks Initiative). Retrouvez la sélection complète ici.

Une biographie de l’auteur suit la préface et accorde une place de choix à Garrett Price, le perchant sur la prestigieuse branche des auteurs de sunday pages du début du XXe, aujourd’hui figures pionnières voire mythologiques d’un 9e art sans cesse mouvant. Parmi elles, Winsor McCay évidemment, père de Little Nemo, mais aussi Frank King, l’auteur de Gasoline Alley, publié par les éditions 2024 sous le titre Walt & Skeezix, et que Price a côtoyé au Chicago Tribune.

En découvrant la vie de l’auteur qui, nous le comprenons, était habité par le dessin depuis l’enfance, le lecteur acquiert des éléments d’analyse et d’interprétation indispensables à la compréhension de certains choix scénaristiques réalisés et de l’ambiance mise en place par Price au cours des deux années de publication que réunit le présent album. Son enfance dans le Wyoming, notamment, est déterminante pour lui et rejaillit dans ses pages.

© éditions 2024

Mais alors que raconte ce White Boy ? L’histoire d’un jeune cow-boy qui, suite à une altercation et des représailles entre une tribu indienne et les forces armées étasuniennes, se voit capturé par les premiers. Dans la tribu arc-en-ciel, il fait la rencontre de trois jeunes Indiens : Lumière d’étoile, une jeune fille bien plus dégourdie que lui, Mésange, quelque peu impétueux (le garçon étant surtout jaloux de l’amitié qui lie White Boy et Lumière d’étoile), sans oublier Marmotte, personnage secondaire quelque peu pataud, mais dont le développement sera l’un des plus intéressants.

A ce cheptel de personnages déjà riche viennent s’ajouter Dan Brown, un marchand blanc supposément de passage, avec lequel White Boy pourrait bien repartir, mais qui semble se plaire avec la tribu arc-en-ciel avec laquelle il va passer un long moment. Isolé de sa famille, White Boy se voit également attribuer une mère adoptive l’impitoyable Aile-brisée.

Le scénario se découpe en trois grands arcs narratifs bien distincts. Le premier, débuté avec la série le 1er octobre 1933, s’attache à nous dépeindre l’arrivée de White Boy dans la tribu indienne. Comme souvent dans les sundays, la notion de rythme prime et il est savoureux de voir la maestria de Price à l’œuvre, laissant ses lecteurs exsangues face à un suspense insoutenable jusqu’au dimanche suivant. Enfin, si la bande dessinée se caractérise par une contraction toute singulière de l’espace et du temps, les sunday pages en sont sûrement l’expression la plus pure puisque de la première page jusqu’au 31 décembre de la même année, seule une journée s’est écoulée dans la vie du White Boy !

© éditions 2024

Le passage à la nouvelle année clôt une journée plus que mouvementée au cours de laquelle le héros aura été capturé par une tribu indienne, aura échappé aux flammes des représailles des blancs et résisté à une attaque sioux.

Le second arc notable débute en février 1934. Après une brève période passée au campement, White Boy part seul rejoindre les "braves" partis voler des chevaux sioux. Il espère ainsi récupérer le sien, enlevé plus tôt par ces mêmes sioux. Seul face à la nature, l’entreprise du jeune ingénu vire rapidement à la catastrophe.

© éditions 2024
© éditions 2024

Cette nouvelle aventure vient ainsi nuancer le jeune White Boy qui, s’il semble intégré à la tribu arc-en-ciel, n’en reste pas moins vulnérable face à une nature à laquelle il n’entretient pas le même rapport depuis l’enfance. Certaines planches deviennent ainsi didactiques et révèlent l’importance du bestiaire dans l’œuvre de Price.

© éditions 2024
© éditions 2024

Enfin, l’arc narratif suivant voit Marmotte, Lumière d’étoile et White Boy retenus par une bien étrange tribu de la vallée de Yellowstone, zone vers laquelle la tribu arc-en-ciel a récemment nomadisé, et dont la cheffe/déesse est blanche et revêt des atours japonisants. Les variations de tons s’intensifient alors, s’éloignant du réalisme clinique des débuts pour voguer vers la mystique et l’absurdité humoristique, certaines planches relevant du registre du gag.

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Tout cela préfigure en réalité la seconde série mettant en scène le White Boy et évoquée dans la préface. Intitulée White Boy in Skull Valley, elle est volontairement écartée de la présente édition car ne s’intéresse plus au mode de vie des Indiens d’Amérique, le White Boy a grandi et vit de nouvelles aventures.

© éditions 2024

Enfin, plutôt qu’une conclusion maladroite, l’auteur de cet article vous propose les mots de Thomas Bernard qui plaçait White Boy dans son top des bandes dessinées alternatives de l’année : “Trésor du comic strip américain que l’on croyait perdu ou tout simplement impubliable dans nos contrées, voici que 2024 offre un magnifique écrin à ce western unique où les Indiens tiennent le premier rôle, où les paysages sont à se damner, où l’adolescence et ses émois sont abordés tout en justesse."

(par Thomas FIGUERES)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782383870371

White Boy - par Garrett Price - éditions 2024 - 36.8 x 27.8 - 104 pages - Traduction : Marc Voline - sortie le 18 novembre 2022 - Prix : 35 euros

Éditions 2024 tout public Western Angoulême 2023
 
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