Chaque année, c’est un peu la bouteille à encre. Nous sondons la rédaction d’ActuaBD (un peu plus de 40 personnes) pour essayer de désigner une personnalité qui aura marqué l’année 2020.
Il y a bien sûr la sorcière Covid et son prophète marseillais qui ont fait partie du lot, mais nous ne sommes pas le 1er avril ; les libraires de BD, super-héros masqués qui ont su vaillamment défendre la culture de ce « produit non-essentiel » qu’est le livre ; Bruno Racine et son fameux rapport passé à la trappe aussitôt publié ; Cauvin qui a dit au revoir aux Tuniques bleues cette année ; l’autrice coréenne KeumSuk Gendry Kim a publié trois romans graphiques en 2020 et a été lauréate d’un Harvey Award ; Jul, scénariste d’un Lucky Luke marquant : Un Cow-Boy dans le coton (dessin de Achdé, Dargaud) et auteur d’un album de Silex and the City : La Dérive des confinements, parrain démissionnaire de BD2020 qui a offert un T-Shirt mémorable au Président Macron…
Et puis Hubert Boulard, alias Hubert, coloriste prodige et scénariste touchant et délicat, Prix Jacques Lob du scénario à Blois en 2015, décédé le 13 février de cette année, est sorti du lot.
Pourquoi lui ? Parce qu’il est caractéristique de cette année qui a fauché tant de talents et parce qu’il avait seulement 49 ans. Ce n’est pas la pandémie qui l’a tué mais la vie, alors que la Covid a rendu difficile les relations sociales, plongeant le monde dans une espèce d’hibernation. Parce que son talent nous manque à tous. Nous lui avons rendu un hommage tout particulier dans nos pages.
Nous préférons d’habitude honorer les vivants tant qu’il est encore temps. La seule exception a été l’équipe de Charlie Hebdo en 2015, ils méritaient bien cela. Et alors que le procès des complices commençait, Hubert et avant lui Claire Bretécher annonçaient cette « Annus Horribilis ».
L’émotion a été forte dans le milieu de la bande dessinée et la vague a commencé à s’amplifier : « Peau d’homme » (dessins de Zanzim, Glénat), son « livre-testament », « un manifeste anti-homophobie travesti en fable » (Catherine Meurisse), paru en juin juste après sa mort, devient un phénomène de librairie : plus de 50 000 exemplaires vendus, tandis que l’album (mais aussi le quatrième tome des Ogres Dieux) se trouvaient nominés au prix d’Angoulême.
Entretemps, l’album rafle tous les prix : Grand Prix de la Critique de l’ACBD, Prix RTL, Prix Wolinski du Point, Prix Landerneau des Centres Leclerc, prix Ti-Zef au Festival de la BD de Brest, il est nominé pour le Prix d’Angoulême, le Prix des libraires BD 2021, pour le prix Fnac-France Inter. Un phénomène et une sorte de Grand Chelem inédit.
Son ouvrage le plus personnel, La Nuit mange le jour (dessins de Paul Burckel, Éd. Glénat) a été optionné pour le cinéma et a fait l’objet d’une campagne Ulule ce mois de décembre.
Il nous a semblé utile de nous joindre à ce concert d’hommages pour cet album humaniste qui appelle à la concorde et à la tolérance alors que cette pandémie affecte les relations sociales à des niveaux inédits. Il nous importait aussi de rendre hommage à cet auteur charmant, intelligent et sensible qui aura marqué nos mémoires en 2020.
Voir en ligne : LIRE AUSSI L’HOMMAGE D’ACTUABD À HUBERT
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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LES PRÉCÉDENT LAURÉATS
2019 : Emil FERRIS pour « Moi ce que j’aime, c’est les monstres » (Ed. Toussaint Louverture), phénomène éditorial de l’année.
2018 : Wilfrid LUPANO pour les Vieux Fourneaux adaptés au cinéma et les multiples ouvrages de qualité publiés dans l’année.
2017 : Gilles RATIER pour son Rapport annuel qui servit de boussole à l’analyse de la BD en France pendant 20 ans.
2016 : Catherine MEURISSE pour la résilience affichée à la suite de la tragédie de Charlie Hebdo dans son ouvrage La Légèreté.
2015 : CHARLIE HEBDO et ses auteurs martyrs de la liberté de conscience et d’expression.
2014 : Marcel GOTLIB qui fêta ses 80 ans cette année-là avec une expo à Paris, à Lausanne puis à Bruxelles.
2013 : SPIROU, personnage créé par Rob-Vel qui fêtait ses 75 ans cette année-là, les éditions Dupuis s’arrangeant pour le rappeler toute l’année, mettant en place un parc d’attraction, des dessins animés, un film Live…
2012 : Albert UDERZO qui, changeant subitement d’avis, décidait de passer la main sur Astérix et de vendre sa maison d’édition à Hachette.
2011 : Fanny RODWELL parce que deux ans après avoir inauguré à ses frais le Musée Hergé, elle concrétisait le rêve de son premier époux de voir Tintin porté à l’écran par Spielberg.
2010 : Jean VAN HAMME pour la succession de XIII et de Thorgal et marquait les esprits en lançant simultanément les adaptations audiovisuelles de XIII, de Rani et de Largo Winch.
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