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Ils l’ont dit en 2010 : les interviews d’ActuaBD 2/4

Par Thierry Lemaire le 30 décembre 2010                      Lien  
Des dessinateurs, des scénaristes, des hommes, des femmes, des légendes, des petits jeunes, des acteurs, des réalisateurs, des écrivains, des journalistes, des hommes politiques et même un académicien (demander à Michel Rabagliati pour le raton laveur). Vous trouverez tout ça et même plus dans les "Ils l'ont dit en 2010".
Ils l'ont dit en 2010 : les interviews d'ActuaBD 2/4
André-Paul Duchâteau
(c) Nicolas Anspach

André-Paul Duchâteau (Scénariste, Ric Hochet) : « Je m’amuse toujours de la même manière qu’à mes débuts. J’ai gardé le plaisir d’écrire et de lire. Je suis venu à l’écriture, par la lecture. Je préfère la lecture par-dessus tout. Jamais un autre art ne remplacera la lecture. J’ai été entraîné, très tôt, dans un désir d’imitation. J’ai voulu très tôt, reproduire en mieux, ou d’une manière différente, des idées ou des concepts. Encore aujourd’hui, cette envie d’écrire reste très vive, intacte. »

Elodie Durand (Scénariste, Dessinatrice, La Parenthèse) : « Parmi la multitude de dessins que j’ai réalisés, j’ai choisi les plus représentatifs sur une période qui s’étend sur près de dix ans. Ils démontrent autant les problèmes psychiques que je traversais que les soucis physiques comme les troubles de la vision. Puis, je représente également la maladie en la caractérisant telle un être qui me dévore. C’est alors plus une projection de mes sensations. »

Christian Durieux (Dessinateur, Les Gens Honnêtes) : « Les Gens Honnêtes est un vrai livre hédoniste qui parle du plaisir de la vie ! J’espère qu’il comporte également un côté jubilatoire.  »

Yacine Elghorri (Dessinateur, Medina) : « Je ne suis pas très amateur de la bande dessinée actuelle. Elle suit trop les phénomènes de mode et a beaucoup perdu la fraicheur et le charme que reflétaient les œuvres des grands auteurs tels que Liberatore ou Richard Corben. Les bandes dessinées actuelles manquent d’impact ! »

Philippe Foerster
© CL Detournay

Foerster (Scénariste, Dessinateur, La Frontière) : « La plupart des histoires ont un fond de fantastique, si elles ne le sont pas elles-mêmes totalement. Pour moi, le fantastique est le meilleur média de l’inconscient vers le conscient. C’est donc le genre idéal pour exprimer des éléments difficilement cernables, sans que les éléments abordés ne passent trop par le filtre de la réflexion. »

Froideval (Scénariste, Les Chroniques de la lune noire) : « Pour la suite des Chroniques, je ne veux plus de longue série qui prenne vingt ans pour arriver jusqu’au lecteur. Nous travaillerons donc par cycle de deux ou trois albums mais dans des temps fort différents et avec d’autres héros. Ainsi, j’ai bien en tête ce qui se passe trois mille après le premier cycle : ce sera dingue, titanesque, monstrueux, insensé et impressionnant. »

Gaby (Les Blondes) : « Vous dites : « Bimbos à grosse épée » et je réponds que Soleil est un éditeur qui a plusieurs catalogues et que si une catégorie socio-professionnelles doit retirer ses œillères, c’est bien celle des journalistes et autres chroniqueurs spécialisés amateurs. Les lecteurs, eux, votent en magasin, que ce soient des librairies ou des hypers… »

Sam Garbarski (Réalisateur, Quartier Lointain) : «  Jirô Taniguchi m’a demandé pourquoi j’avais pensé au groupe Air pour la bande originale du film. Je lui ai confié que je portais en moi les sonorités des compositions du groupe depuis que j’ai songé adapter son manga en film. J’ai très probablement écouté un de leur disque en lisant le livre. Il m’a répondu que c’était étrange car il dessinait souvent en écoutant Air. Il a tous les disques du groupe chez lui ! »

Patrick Gaumer (Journaliste, Auteur, Le Larousse de la BD) : «  Umberto Eco comparait un livre et Internet en expliquant qu’un livre était comme un bon verre de vin dégusté entre copains, tandis qu’Internet était comme une cuite après une bouteille de whisky avalée cul sec : trop d’informations tue l’information. On a besoin de recul. Mon dictionnaire, parmi d’autres ouvrages, contribue à ce recul. »

Bruno Gazzotti
(c) Nicolas Anspach

Bruno Gazzotti (Dessinateur, Seuls) : « Le dessin n’est qu’une succession de tricheries. Regardez-moi, est-ce que vous apercevez un trait qui détoure mon corps ? Non, bien sûr, il n’y a pas de trait noir autour de moi. Le dessin ne représente donc pas la réalité. Le dessin n’est que de la triche… pour mieux faire passer une histoire. »

Philippe Geluck (Le Chat) : « Je trouve intéressant de m’adresser au lecteur, et jouer avec lui, rappelant le lien qu’on peut retrouver au spectacle. De plus, comme je suis toujours en plein tournage du dessin animé et que nous avons avions décidé de combiner les deux dans ce spot de promotion, il semblait logique que l’album revendique également ces aspects. Je prends donc le lecteur pour un spectateur, un partenaire de la petite pièce que je ‘joue’ pour lui. Je veux favoriser cette interaction. »

Jochen Gerner (Scénariste, Dessinateur) : « Je n’ai pas l’impression d’être reconnu, je suis plutôt en marge, ce qui me convient bien aussi. Dernièrement, j’ai rencontré un éditeur de bande dessinée qui a édité un de mes albums. Je lui ai donné mon nom : il ne me connaissait pas, il ne savait même pas que j’étais édité par lui... »

Jean-Pierre Gibrat
© M. Di Salvia

Jean-Pierre Gibrat (Scénariste, Dessinateur, Mattéo) : « Ce qui me procure le plus de plaisir c’est l’écriture. Justement parce que, par moment, en écrivant, on a le sentiment que ça sonne bien, alors on ne touche plus à rien. On ne sait pas si c’est bon ou pas bon, ça n’est pas à nous de le dire, mais il y a un plaisir enivrant des mots. Ce que j’aime c’est me dire : si je tombais sur cette phrase-là écrite par un autre, je me régalerais en la lisant. Je me glisse dans les souliers d’un lecteur. Ce sentiment-là lié à l’écriture est très agréable, alors que je ne suis jamais content d’un dessin à 100%. Le dessin est paradoxalement quelque chose d’apaisant. L’écriture, on ne sait pas d’où ça vient, ni si ça ne va pas vous échapper un matin, alors que le dessin c’est un métier, c’est un savoir-faire rassurant. »

Laurent Gillain (Fils de Jijé, dessinateur, Barbe Rouge) : « Joseph – Jijé- était tellement imprévisible ! Il avait des réactions particulières. Je me souviens que j’étais revenu de l’école avec un zéro sur vingt ! Ma mère n’était pas là. Joseph voit la note, et me dit « Zéro sur vingt ! Viens, je t’invite au restaurant ». On a passé un super moment à rigoler. Je ne sais pas s’il m’avait invité au restaurant en calculant son coup ! J’étais tellement mal à l’aise à cause sa réaction, que je n’ai plus jamais osé lui ramené un bulletin aussi mauvais ! Cet exemple est la parfaite illustration de ce qu’était Joseph ! »

Carlos Gimenez (Paracuellos, Fluide Glacia) : « Je voulais surtout exorciser ces moments très lourds, et c’est ce que je me suis attaché à réaliser, dès la mort de Franco, et l’abolition de la censure. Mais je voulais effectivement aussi témoigner de cette vie au sein même des collègues catholiques. Comme aucun adulte ne pouvait faire passer ce message par un média quelconque, j’ai utilisé ma fonction de dessinateur de bande dessinée pour me faire le porte-parole de mes camarades. Je voulais en témoigner rapidement avant que cela ne disparaisse dans les méandres de l’Histoire. […] Toute l’Espagne était pourrie, et ce qui se passait au sein de ce collège n’en est qu’un exemple très représentatif, mais pas pire ni meilleur que dans le reste du pays. »

Christophe Girard (Dessinateur, Scénariste, Matisse Manga) : « Alors, ce qui est très intéressant, c’est qu’aux beaux-arts de Lyon, on m’a appris à détester Matisse. Parce que pour la majorité des professeurs, qui avait gardé une sensibilité un peu maoïste, c’est le symbole même de l’art bourgeois. Et on doit aimer Picasso, révolutionnaire communiste. Alors que c’est tout à fait le contraire. »

Frank Giroud : « Si on devait extraire un dénominateur commun dans mon travail, ce serait sûrement ma volonté humaniste et mon désir de stigmatiser l’intolérance, l’injustice et le fanatisme, qui seraient mis en évidence. »

Thierry Gloris (Scénariste) : « L’histoire d’Ainsi va la vie m’est très personnelle, sorte de témoignage sur une époque dans laquelle je vis et j’ai vécu. J’ai toujours eu des difficultés pour parler des événements difficiles qui m’ont marqué. Je préfère écrire des albums pour expliciter mes ressentis. Ceci dit, je me définis essentiellement en bande dessinée comme un dramaturge et donc, j’ai une profonde réticence à me mettre en scène en tant qu’acteur de mes histoires. J’utilise donc essentiellement la fiction pour mettre en scène mes expériences personnelles. »

Gos (Scénariste, dessinateur, Le Scrameustache) : « J’ai demandé à Glénat d’attendre ma mort pour réaliser des intégrales du Scrameustache (Rires). Les intégrales étouffent, tuent même, les albums normaux. Je l’ai vu avec Gil Jourdan. Essayez de trouver un album neuf de cette série, c’est mission impossible. Et pour peu que l’éditeur ne fasse pas un travail de revalorisation et de promotion sur les intégrales, la série est rapidement oubliée. »

Olivier Grenson (Dessinateur, La Femme Accident : « Nous avons mis en scène Charleroi car j’y ai passé mon enfance. C’était, pour moi, une manière de me rapprocher du personnage de l’histoire. Et de retourner, comme elle, dans mon passé pour mieux ressentir l’histoire. Mais ce n’est pas un récit sur Charleroi, sur ses industries à l’abandon et sa région sinistrée. C’est avant tout l’histoire d’une femme ! ».

Canales et Guarnido
(c) Nicolas Anspach

Juanjo Guarnido (Dessinateur, Blacksad) : « C’est un travail laborieux et subtil pour arriver à donner une nuance particulière dans l’expression d’un visage. C’est encore plus difficile dans Blacksad car je ne dessine pas des humains. Mais cela reste un exercice passionnant ! »

Emmanuel Guibert (Scénariste, Dessinateur) : « Les festivals ressemblent toujours aux gens qui les organisent. Il y a des festivals en province dans des endroits improbables et qui sont divins parce qu’il y a quelques personnes qui ont le feu sacré et qui vous reçoivent comme des princes et d’autres festivals beaucoup mieux dotés mais éventuellement beaucoup plus froids parce qu’ils sont devenus une espèce de machine administrative. »

Marek Halter (Ecrivain, La Mémoire d’Abraham) : « Comme un casting, le dessinateur vient m’apporter des dessins des personnages en me demandant s’ils correspondent bien à leurs caractères. Parfois, lorsque je vois une scène, je me rends compte de la distance entre ma propre vision et celle qui est proposée, amplifiée par le regard des autres, mais cela m’apporte une autre perspective du récit, une lecture différente de mon roman ! »

René Hausman (Dessinateur, Le Chat qui Courrait sur les toits) : « Je ne sais pas ce qu’est être un artiste. Les juges de Jeanne D’Arc lui demandaient si elle était élue de Dieu. Elle leur répondit : « Si je le suis, que je le reste. Si je ne le suis pas, que je le devienne ». J’ai un véritable plaisir pour l’artisanat, le dessin, la mise en couleur. La créativité proprement dite, c’est aussi, pour beaucoup, une histoire d’habitude et d’expérience !  »

Hermann et Yves H.
© CL Detournay

Herman & Yves H. (Bernard Prince) : « Je me suis trop habitué à mes couleurs, et je voudrais me remettre à l’encrage pour retrouver la force du noir et du blanc. Cela me procure à nouveau du plaisir et des surprises. Pour autant, je garde mes couleurs, mais en travaillant à l’ancienne, avec des bleus, ce qui me permet de ne pas perdre la profondeur des noirs. J’essaye d’allier les avantages de deux techniques, en jouant de l’une ou de l’autre selon l’effet que je désire souligner. »

Keiko Ichiguchi (Scénariste et dessinatrice - Là où la mer murmure) : « C’est sûr que, dans tous les mangas, tous les genres ou catégories confondus, pour les garçons (shônen) ou pour les adultes (seinen) compris, ce sont les personnages qui comptent et, surtout, la description de leur côté psychologique. Les mangas sont conçus un peu comme des films. Il n’est donc pas seulement question de raconter une histoire ou suivre le déroulement des événements, mais de développer la psychologie des personnes ou leurs émotions. Donc, c’est extrêmement important que les lecteurs puissent s’identifier aux personnages ! »

Michel Jans (Éditeur - Mosquito) : « Avec Toppi, nous avons une relation privilégiée. Celle-ci a débuté il y a une quinzaine d’années. Moi, j’aimais ce qu’il faisait et je ne comprenais pas pourquoi il n’était pas sur le marché francophone. À partir d’un certain moment d’existence avec Mosquito, qui remonte à 1989, je me suis dit, vers 1995, qu’il fallait qu’on ouvre la collection à d’autres choses, d’autres horizons. Et j’ai pensé, évidemment, à Toppi. Je me suis procuré ses coordonnées et je suis allé le voir à Milan. Il était complètement étonné de constater que les Français se rappelaient qu’il existait. Néanmoins, ce fut très cordial. Mais il se demandait vraiment ce que c’était. Si c’était « du lard ou du cochon » ! C’était une rencontre, rétrospectivement, assez rigolote. Donc, nous avons commencé comme ça. »

Loïc Jouannigot (Dessinateur, Scénariste, Petitmardi et les Zumains) » : « Toutes les composantes d’une image doivent être vivantes. Que cela soit les humains, les animaux, les arbres, les plantes, les véhicules, les meubles, etc. Cela apporte une ambiance au récit, et les cases « vibrent » beaucoup plus ! Je n’aime pas lire une BD où les images sont froides, réduites au minimum. On y perd en humanité. J’ai envie que le lecteur prenne du plaisir à regarder une case et recherche le balai dans une cuisine. …  »

Jung (Scénariste et réalisateur du film Approved for adoption)) : « Inconsciemment, j’ai toujours évité ou contourné la Corée. Je ne vous cacherai pas que j’ai des appréhensions, mais la machine s’est mise en route, un retour en arrière est impossible pour moi. Faire les albums, puis la concrétisation du film, toutes ces discussions avec Laurent ont effectivement remué pas mal de choses en moi. Ce n’est pas toujours facile à gérer, surtout quand on a pris l’habitude de se barricader. »

Daniel Kox (Dessinateur, L’Agent 212) : «  Raoul Cauvin a dépassé les 70 ans et a toujours une énergie débordante ! C’est un homme généreux, envers qui on peut avoir confiance. Je râle parfois sur lui, comme un adolescent qui peste sur son père. Raoul reste modeste et a le sens de l’amitié. Il fera tout pour défendre ses collaborateurs. ».

Jean-Charles Kraehn (Gil St-André) : « À l’heure actuelle, de nouvelles séries réalistes purement historiques, sans une touche de fantastique ou d’ésotérisme, ont peu de chances de s’imposer. Après la grande vague de la collection Vécu, cette thématique est passée de mode. Peut-être le public a-t-il saturé... Et avec l’imposante production actuelle, les lecteurs ne suivent pas systématiquement un scénariste ou un dessinateur sur un nouveau projet, même s’il apprécie son boulot par ailleurs. Rares, très rares même, sont les auteurs qui vendent sur leur nom. Ça rend modeste ! »

(par Thierry Lemaire)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Propos recueillis par Nicolas Anspach, François Boudet, Arnaud Claes, Charles-Louis Detournay, Morgan Di Salvia, Thierry Lemaire, Didier Pasamonik, Florian Rubis, Marianne St-Jacques - Les extraits présentés sont leur propriété respective.

 
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