D’entrée de jeu, James Tynion IV décrit son adoration pour Sandman, avouant même dans sa préface que c’est cette série qui lui a inspiré le métier de scénariste de Comics. Alors quelle ne fut sa joie d’être promu sur le projet Nightmare Country dont voici le premier tome.
Sans surprise, même si la couverture est explicite : le lecteur va retrouver le Corinthien, ce cauchemar aux yeux remplacés par des bouches assoiffées de sang et de chairs humaines. Il est l’intrigue qui relie les différents éléments qui se joignent, bout à bout, pour arriver jusqu’à lui. Car il n’est pas le personnage principal ! Il n’est que l’aboutissement d’une recherche, d’une quête pour Flynn…
Cette jeune femme ne rêve plus la nuit, depuis bien longtemps. Raison pour laquelle, peut-être, elle voit des cauchemars toute éveillée. Notamment un homme obèse, sourire aux lèvres et langues dégoulinantes de bave aux yeux ; deux orbites dépourvus de globes oculaires mais de bouches. Un monstre tellement présent dans sa vie qu’elle finira par le peindre, encore et encore sur des toiles glauques et effrayantes pour quiconque entre dans sa chambre universitaire.
Serait-ce le Corinthien ? Pour les amateurs de la série, il est évident qu’il n’en est rien, mais pour les nettoyeurs d’un autre monde, ainsi que pour les adeptes des sciences occultes : il se pourrait que Flynn ait vu le cauchemar créé par le Seigneur du Songe en personne ! Elle serait donc capable de le faire venir à elle, de prouver son existence dans le monde de l’Éveil, … chose inadmissible pour les uns, M. Extase & M. Souffrance chargés par un maître anonyme de tuer les humains témoins des autres mondes ; rêve éveillé pour un grand politicien conservateur féru de pouvoir par-delà les frontières du Naturel.
On ne peut nier que James Tynion IV maîtrise son sujet. Jonglant entre souvenirs mélancoliques et un présent riche en rebondissement, le scénariste dessine une trame intéressante pour ce premier tome. Là où le bat blesse, c’est le graphisme de Lisandro Estherren qui manque cruellement de constance. Tantôt dans un style en aquarelle, tantôt crayonné : difficile de se calquer sur son style un rien brouillon, pas vraiment aidé par les couleurs glauques de Patricio Delpeche.
Même si l’univers de Sandman s’est toujours présenté dans une palette de genres parfois à la limite de l’abstrait pour accentuer l’onirisme de son sujet, le dessinateur de Nightmare Country baisse un peu le niveau, suivi par les quelques autres graphistes engagés pour entrecouper le fil narratif principal de souvenirs et autres pensées aléatoires, tantôt du Corinthien, tantôt de Flynn. Une succession d’artistes dans un registre plus ou moins semblable, à quelques exceptions près, qui donne du fil à retordre à qui voudrait distinguer les uns des autres. Parmi eux, notons Maria Llovet qui clôt ce premier tome sur une intrigue à venir.
En espérant que le prochain tome trouve grâce aux yeux des lecteurs qui auront apprécié le scénario au détriment d’un graphisme un peu bancal.
(par Marc Vandermeer)
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Sandman - Nightmare Country T.1. Scénario : James Tynion IV. Dessin : Lisandro Estherren & Collectif. Editeur : Urban Comics. Sortie : le 27 janvier 2023. Prix : 19 euros.
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