Votre série connaît un notable succès. Idylles, le quatrième album de Lou !, a été tiré à 80.000 exemplaires…
C’est inattendu ! Je suis heureux de cet accueil. Lorsqu’on réalise des livres, c’est pour toucher des lecteurs. Idylles est un album différent, même si je privilégie toujours un aspect « mignon ». J’avais un peu peur que les lecteurs soient perdus avec cette histoire…
La critique a été élogieuse dès Journal Infime, le premier tome…
Oui. J’essaie que Lou ! soit une bande dessinée fluide et confortable à lire. Elle ne comporte pas trop de cynisme et les personnages ne sont pas contrastés.
Vous semblez avoir changé votre manière de travailler le scénario depuis cet album…
Effectivement. J’ai réalisé les premiers gags de cette série de manière classique. Mais je n’arrivais pas à accepter l’idée que Lou ne grandisse pas. Cela me semblait bizarre que mon personnage n’évolue pas, qu’elle n’ait pas de mémoire ou de conscience. J’ai donc décidé de la faire grandir. Lorsque j’ai atteint les trois quarts de l’album, je me suis aperçu que l’ensemble de ses pages pouvait former une suite de gags. J’ai donc réfléchi à une structure, à la manière dont je pourrais faire le lien entre ceux-ci. Tout en tenant compte de la logique du journal Tchô : Il n’y a que la moitié des planches qui y sont publiées. J’ai donc dû me livrer à un double travail : il fallait que l’histoire puisse être lue avec la moitié des pages en moins. J’ai plus tenu compte de cette spécificité pour le deuxième tome, Mortebouse. Pour le troisième tome, Le Cimetière des Autobus, j’ai eu envie de travailler le récit comme un album complet. En fait, j’évolue. Je perçois mieux les sujets que je veux aborder, et là où je veux en venir. Chaque Chose [1] m’a permis d’exploser la structure du récit, de travailler avec des flash-backs, etc. Idylles, le quatrième album de Lou !, tient compte de cette expérience. Mon prochain album sera totalement différent. Je veux me remettre en cause pour chacun de mes livres.
Lou va-t-elle continuer à grandir ?
Oui. Elle avait douze ans dans le premier tome, et en aura dix-huit dans le huitième. J’arrêterai alors la série. Je n’ai pas envie de m’installer dans un univers confortable. La série animée existera en parallèle. Quand j’aurais terminé Lou !, j’aurais encore beaucoup de travail sur l’adaptation en dessins animés de la série. Je veux aussi développer d’autres univers, travailler sur d’autres histoires. Mes projets n’ont rien à voir avec Chaque Chose ou Lou !. Je n’arriverais pas à rentrer dans la logique de Cauvin qui a aligné plus de 50 albums des Tuniques Bleues….
Pourquoi, avez-vous l’impression que le personnage perdrait sa saveur ?
Oui. Huit albums, c’est l’idéal pour raconter une histoire. En plus, cette série est une chronique de l’adolescence…
Vous pourriez raconter son destin à des âges différents…
On verra. Mais pour l’instant, ce n’est pas mon objectif.
Pourquoi avoir réalisé « Chaque Chose », un récit plus intimiste…
Ce livre se raconte de lui-même ! Joann Sfar, qui est éditeur chez Gallimard Jeunesse, m’a demandé de travailler pour lui. J’étais très flatté qu’il songe à moi. Je lui ai envoyé différentes histoires que j’avais faites. L’une d’elle avait été publiée dans l’Express, et abordait la relation que j’avais eue avec mon père. Joann était très intéressé que je traite cette thématique. Entre-temps, mon papa a eu un accident, et a été dans le coma. J’ai donc eu quelques réticences à construire un récit sur cette relation. Mon père en est heureusement sorti. Je me suis servi de cette mésaventure pour construire une autofiction contenant une partie inventée et fantastique. Chaque Chose a un côté très « pulp » avec cette secte qui kidnappe les gens…
Vous venez du milieu de l’animation et de l’audiovisuel. Une adaptation de l’une de vos propres œuvres doit vous faire plaisir…
Oui. Effectivement. Lorsque je terminerai Lou !, je ne m’attellerai pas forcément à des projets en bande dessinée. L’animation m’intéresse énormément. J’aime être multimédia, et toucher à tous les métiers…
Nous développons 52 épisodes de 13 minutes autour de Lou !. Mon implication dans ce projet est énorme. Cela a été ma condition pour signer le contrat de cession de droits. Il fallait que je sois impliqué à 200%. La majeure partie de la production sera assurée par Glénat. Mon éditeur me mandate pour que la série soit au plus proche de l’œuvre originelle. Je travaille directement avec les scénaristes et les graphistes. J’ai un bureau près d’eux. Je vais trois ou quatre jours par semaine à Paris pour suivre leur travail. Je suis impliqué à tout le niveau. Si c’est une catastrophe, ce sera de ma faute…
Quels sont vos autres projets ?
Un nouveau récit développé en quatre albums pour la collection Bayou de Gallimard. Un récit de « Fantasy » sans « Heroïc », mais avec beaucoup de cuisine ! Un peu comme dans Bilbo le Hobbit de Tolkien, sauf que l’on ne quittera pas leur tanière. Avec l’aide d’un scénariste, j’expliquerai comment ils font des ragoûts et tombent amoureux ! Il y aura des robots géants, etc… Ce récit s’intitulera le Viandier de Polpette…
(par Nicolas Anspach)
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– Lire les chroniques des T1, T2 et T3.
– Interview de Julien Neel : "La création de Lou a été intuitive et naturelle" (Septembre 2005)
– Lou revient, en album et en dessins animés (Décembre 2007)
Illustrations (c) Julien Neel, Glénat.
[1] Un magnifique récit publié chez Gallimard.
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