Bonne nouvelle, Matthieu Bonhomme, après l’album L’Homme qui tua Lucky Luke et entre deux tomes de Charlotte impératrice revient au mois d’avril 2021, toujours au scénario et au dessin, pour nous proposer une nouvelle histoire du cowboy créé par Morris et sublimé ensuite par le scénariste René Goscinny. Un album titré : Wanted, Lucky Luke ! , toujours sous la bannière de l’éditeur Lucky Comics. Une nouvelle occasion de faire mouche ?
En juin dernier, Bonhomme disait à notre rédacteur en chef Charles-Louis Detournay à ce propos : « En effet, alors que j’alternais précédemment les tomes de différentes séries, pour la première fois de ma carrière, j’ai directement enchaîné avec le tome deux. Parce que nous n’avons pas tout dit dans le premier tome ! [...] Par contre, il faut également garder l’énergie nécessaire pour s’investir dans une telle saga. Au départ, comme la série était une trilogie, j’avais voulu les réaliser d’un seul tenant, ce que je n’avais jamais fait. Mais comme l’acte central s’est étoffé, au point de devenir deux tomes séparés, je vais donc marquer une pause avec un projet personnel après ce tome deux, afin de revenir avec une nouvelle énergie pour les tomes trois et quatre. » Le « projet personnel » est ce Lucky Luke.
Voici le résumé de ce nouvel opus, version "vu par " : Alors qu’il vient d’être attaqué par un chasseur de prime, Lucky Luke découvre qu’il est recherché pour meurtre et que sa tête mise à prix ! Pas le temps de digérer la nouvelle qu’il se retrouve à secourir un convoi de bétail en bien mauvaise posture, mené par trois sœurs aussi ravissantes qu’intrigantes. Gentleman comme toujours, Lucky Luke se propose de les escorter jusqu’à destination. Mais dans ce contexte tendu d’hypothétique massacre par les Indiens, de pillage du troupeau et de traque de la plus célèbre gâchette de l’Ouest par un mystérieux ennemi, le plus grand danger ne viendrait-il pas de ces belles jeunes femmes a priori sans défense ?
Bonne nouvelle, car si Morris est un immense auteur de BD, un maître de gros calibre qui à beaucoup réfléchi à son art, Matthieu Bonhomme est aujourd’hui une des plus sûres gâchettes du 9e art.
Parce que, oui, la BD est bien un art , faut-il le rappeler : alors que se multiplient toujours plus les "aligneurs de cases", quels que soient les genres, styles, formats [1], qui prennent les atours de simples bricoleurs, révolutionnaires hypothétiques et autres tenants de « ce n’est que de la BD ! » ; à la cadence, pour arranger le tout, imposée par la très contreproductive et difficilement contestable gentrification du média, dont on nous impose la marche en avant. Un véritable jeu de la roulette russe pour la bande dessinée ?
« Je suis un dessinateur franco-belge de tradition Dupuis-Dargaud, disait Bonhomme dans une autre interview à Charles-Louis Detournay. J’ai grandi en lisant les bande dessinées de tous ces auteurs qui ont mis en place les systèmes graphiques de narration dans lesquels nous évoluons : Tillieux, Peyo, Franquin, Jijé, sans oublier bien entendu Morris. Puis, dans la veine du western qui nous occupe, j’ai été aussi influencé par Giraud, puis Rossi, et les autres, une filiation dans laquelle je m’intègre. Je revendique donc cette lignée que je n’ai pas toujours assumée à l’époque où l’on faisait un clivage entre la BD underground et la BD grand public. » disait toujours Bonhomme sur ActuaBD , qui dans cet entretien, en héritier avisé, nous donne une belle leçon sur l’art de la BD, surtout la couleur, avec pour maître-mot la lisibilité. »
Une leçon à méditer pour les coloristes numériques, rois des filtres et des dégradés intempestifs, néanmoins très décoratifs, qui travaillent sur images éclairées (écrans) sans anticipation maîtrisée de la version imprimée qui ressortira trop foncée, sans contraste -élément capital- et donc difficilement lisible, coloristes qui accaparent ainsi la page et sabordent la narration. Encore des aligneurs de cases...
Alors que la BD, son art, sont bien trop souvent malmenés, et que du coup le lecteur, dont le budget se resserre en plus d’être très sollicité par ailleurs, trouve assez justement qu’il a mieux à faire, un artiste et un grand professionnel comme Matthieu Bonhomme font du bien dans le paysage, qu’il soit du Grand Ouest ou d’ailleurs.
(par Pascal AGGABI)
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À propos de Matthieu Bonhomme, lire également :
Notre article concernant son premier tome de Lucky Luke : Les 70 ans de Lucky Luke : vie, mort et autres résurrections
Son interview concernant cette reprise en 2016 : « Lucky Luke est ma référence fondatrice, la série qui m’a guidé vers le western. »
Coup de cœur de la Rentrée 2018 : "Charlotte impératrice" par Nury, Bonhomme & Merlet
une interview de Bonhomme concernant Charlotte impératrice : « Quand je raconte une histoire, je suis toujours en empathie pour mes personnages »
La chronique du second tome de Charlotte impératrice
Un long article introductif de l’œuvre de Matthieu Bonhomme et de ses débuts : Sacré Bonhomme !
Les chroniques des tomes d’Esteban : tomes 1, 2, 3, 4 et 5, mais également son passage chez Dupuis après l’arrêt de Capsule Cosmique malgré une présentation remarquée au festival d’Angoulême 2006
Les chroniques du Marquis d’Anaon : tomes 3, 4 et 5
Messire Guillaume et l’interview accordée par Bonhomme & de Bonneval : "Le bestiaire fantastique de ’Messire Guillaume’ est fidèle aux croyances du Moyen-âge"
Texas Comboy dans "Trondheim, on aime !", ainsi que Omni-visibilis
Ainsi qu’une précédente interview : "Je veux m’échapper de mon quotidien en dessinant. "
[1] Bien sûr, s’il existe des "aligneurs de cases", quels que soient les genres, styles, formats et on peut rajouter "éditeurs". Il existe aussi, parce que rien n’est simple, de beaux talents quels que soient les genres, styles, formats... chez tous les éditeurs.
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