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YVES FRÉMION - Angoulême : un festival de sponsors

Par Yves FREMION le 24 mars 2022                      Lien  
La mascarade de l’ « écofauve » l’avait bien montré, la remise des autres prix du festival l’a confirmé : le festival de la BD n’est plus l’occasion de récompenser des bédéastes, mais bien de valoriser des entreprises qui financent l’événement. C’est à elles que, désormais, les prix sont attribués.

Il arrive parfois que les lauréats scénaristes ou auteurs soient absents lors de leur récompense, jamais les sponsors. Pas grave : c’est le sponsor qui vient chercher le prix, devenu le sien. Si les bédéastes primés présents remercient de quelques mots embarrassés (le verbe est rarement le talent n° 1 de celui ou celle qui dessine), le sponsor lui, sait être interminable pour vanter son entreprise dans un monologue soigneusement mis au point par son service de communication.

La caricature en a été justement la remise de cet écofauve unanimement vilipendé dont la magouille avait été, ici-même, démontée. Suite à cette dénonciation, le jury entier avait démissionné (provoquant une panique en cascade chez les organisateurs), puis les auteurs dépités (y compris le tandem Blain-Jancovici) s’étaient en partie retirés, sauf ceux de quatre albums. Au final, un prix fut décerné mais on ne sait toujours pas par qui, puisque le festival n’a pas révélé les membres du nouveau jury ˗ alors que tous les autres prix annonçaient fièrement les noms des personnalités choisies, ou même faisaient monter sur scène les hordes d’enfants jurés des prix jeunesse. Que peut bien cacher cette occultation inédite ?

YVES FRÉMION - Angoulême : un festival de sponsors
Sur les six titres d’origine, seulement quatre sont restés. Mais quel jury a choisi le lauréat ?

Si les lauréats de l’écofauve furent brefs, la directrice du sponsor (Raja) vint expliquer laborieusement, mais interminablement, comment, depuis 1954, c’est Raja qui à elle seule a sauvé la planète, détaillant chaque action en détail, afin que chacun comprenne bien que son entreprise était plus écolo que tous les écolos du monde. C’était tellement ridicule que toute protestation aurait été inférieure en dénigrement.

La meilleure BD écolo de l’année (‘’Le Potager Rocambole’’, de Laurent Houssin & Luc Bienvenu, chez Futuropolis), choisie en février, fut récompensée pour de bon, la veille, par le Prix Tournesol de la meilleure BD écolo de l’année, au Point Carré. Sur YouTube vous pourrez voir comment nous avons raconté une nouvelle fois l’arnaque de l’écofauve.

(merci La Charente Libre)

Ce Tournesol était décerné pour la 26e année : il n’avait pas attendu la vague de l’écologie greenwashing pour exister. On a compris que la soi-disant « transition écologique » va déverser un flot de pognon et qu’il n’y a pas une grande entreprise, souvent les plus polluantes et prédatrices qui ne soit prête à tout pour le capter à la place des vrais défenseurs de la planète. D’où cette vogue de greenwashing sans précédent dans le pays.

Alors, disons-le une fois pour toutes : ni le festival de la BD, ni les autres festivals, ni personne dans la culture, n’a besoin de sponsors ! Ils ont besoin de mécènes. Rappelons la différence pour ceux à qui elle aurait échappée : en aidant la culture (ou autre chose) un sponsor réalise une opération de communication, il fait de la publicité, il en escompte des rentrées financières ou une valorisation de son image de marque, c’est un investissement qui attend ses retombées ; un mécène réalise, au contraire, un acte désintéressé, il aide vraiment sans contrepartie – certes il peut valoriser, dans sa propre communication, cet acte de solidarité mais en aucun cas dans l’acte lui-même où doit rester discret.

Il n’existe pas de mécènes à Angoulême, que des sponsors, dont aujourd’hui chacun a un prix taillé à sa mesure comme un costume. C’est pourquoi les sponsors ont remplacé les malheureux artistes, dont les albums sont devenus les faire-valoir du sponsor, et non de leur talent artistique. Les intitulés de certains prix, qui paraissent un peu capillotractés, s’explique mieux en regardant les priorités des commanditaires.

Si l’on s’amusait à chiffrer le coût d’une opération de communication équivalente à cette promotion gratuite sur la scène du théâtre d’Angoulême, et qu’on le compare à l’à-valoir touché par l’artiste-lauréat, on comprendrait bien des choses.

Au moment où plus d’un auteur ou d’une autrice sur deux reste en deçà du seuil de pauvreté, confisquer ce qui devrait être leur fête au profit d’une exhibition commerciale de sponsors a quelque chose d’obscène. Il est temps que les organisateurs se ressaisissent et se souviennent que ce festival est consacré à la bande dessinée, pas aux entreprises.

Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

(par Yves FREMION)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782754828758

France Angoulême 2022 🏆 Prix Eco-Fauve d’Angoulême 🏆 Prix Tournesol de la BD écolo
 
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9 Messages :
  • " ce festival est consacré à la bande dessinée, pas aux entreprises."

    Mais… ce festival est une entreprise. Son but est son auto-promotion et pas celle des auteurs. Que les sponsors soient privilégiés, c’est logique. Ce ne sont pas les auteurs qui vont payer le FIBD.

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    • Répondu par Milles Sabords le 25 mars 2022 à  06:34 :

      Le FIBD une "entreprise" qui touche des aides de l’état et de sa région, donc, nos impôts !

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  • YVES FRÉMION - Angoulême : un festival de sponsors
    24 mars 2022 17:33, par Laurent Colonnier

    Bravo Yves, le combat est permanent ! C’est toujours bien de dénoncer les tartuffes et les entourloupes.

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  • Merci pour votre article. Les organisateurs ont ils détourné de son sens le mot festival , fallait il garder le nom de salon ou proposer foire ?

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  • Je trouve vos attaques contre Jancovici pitoyables et contre-productives quand on a le soucis de l’écologie.

    Et désolé pour l’attaque personnelle qui vient, mais surtout Mr Frémion, vous représentez un courant écologique éculé, dogmatique et borné, qui s’est fondé sur la lutte contre le nucléaire. (monde que je connais bien, je suis en ancien de Greenpeace, que j’ai quitté en 2016, à cause de ses membres totalement bornés et dogmatiques, comme vous, et aussi du fait que greenpeace n’a aucun problème à faire des campagnes contre les énergies fossiles et vendre du gaz en même temps via Green Planet Energy ! Anciennement nommé "Greenpeace Energy", bref, des guignols pareils, je ne veux plus en entendre parler).

    La priorité, c’est la lutte contre le CO2. Et quand on dispose de moyens comme le nucléaire pour réduire ses émissions, on l’utilise, point.

    Et si on veut être pragmatique et se servir de sa raison, on constate qu’en plus de quarante ans d’exploitation en France, le nucléaire a fait zéro mort.

    Quand le charbon fait 23 000 morts / an en Europe.

    Quand une rupture de barrage à Malpasset en 959 en a fait 423. (avez vous réclamé la fermeture de tous les barrages au fait ?).

    Voici le genre d’info qui reste totalement imperméable aux dogmatiques de votre espèce : le nucléaire est l’énergie qui génère le moins de décès par TW/H produits. https://fr.quora.com/Ma%C3%AEtrise-t-on-%C3%A0-100-les-dangers-du-nucl%C3%A9aire

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    • Répondu par Christian le 29 mars 2022 à  12:43 :

      La priorité, c’est la lutte contre le CO2. Et quand on dispose de moyens comme le nucléaire pour réduire ses émissions, on l’utilise, point.

      Entre la peste et le choléra vous préférez choisir les deux, plus la grippe espagnol et le covid, vous êtes bien digne des affidés de Jancovici. C’est effrayant un tel égoïsme pour satisfaire son petit confort bourgeois, après moi le déluge ! Contrairement à ce que vous dîtes ou pensez, vous n’avez jamais été écologiste.

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      • Répondu par Arn le 29 mars 2022 à  14:32 :

        Sinon cher Christian, à part des attaques ad hominem, des arguments de fond ?

        Vous n’en avez aucun parce que toute votre rhétorique repose sur des dogmes, des dogmes hérités des luttes des années 60/70. Greenpeace a été fondé pour lutter contre les essais nucléaires militaires dans le pacifique. Et une fois que ces essais militaires ont été arrêtés, greenpeace a du trouver un nouveau cheval de bataille, et ce fut l’énergie nucléaire.
        https://fr.wikipedia.org/wiki/Greenpeace#Historique

        Et ce dogme c’est "nucléaire = mal absolu".

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      • Répondu le 29 mars 2022 à  15:59 :

        Pour poster votre commentaire, vous utilisez de l’énergie nucléaire...

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        • Répondu le 29 mars 2022 à  18:49 :

          Le nucléaire est un pis-aller qui pose d’énormes problèmes de sécurité en cas de guerre (combien de centrales nucléaires, cibles potentielles en Ukraine, déjà ?), en cas de catastrophe naturelle (on a failli avoir un deuxième tsunami sur Fukushima la semaine dernière) et en raison de l’insoluble question des déchets. La position de ce Mr Arn, qui est aussi celle de Mr Jancovici, celle de Messieurs Obama, Sarkozy et Macron est déjà une position largement dominante. Tout le monde sait qu’il faudra une part de nucléaire dans le mix énergétique de la transition vers le zéro émissions. Le débat est tellement clos que même les candidats à la présidentielle se gardent bien de l’aborder. Donc pas la peine de s’insulter ici. Mr Frémion, que vous qualifiez d’écolo éculé fait partie d’une génération de militants qui avaient raison avant tout le monde. Mr Jancovici est le plus gros vendeur de livres de ce début d’année en France. Souffrez qu’il reçoive quelques remises en cause…

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