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Est-ce la fin de Jeremiah ?

Par Charles-Louis Detournay le 27 septembre 2022                      Lien  
Voilà déjà trente-neuf tomes qu'Hermann porte sa série-fétiche à bout de bras, tant au scénario qu'au dessin, assurant en plus à la couleurs depuis une vingtaine de tomes. Et pourtant, Jeremiah n'a jamais été en si mauvaise posture...

Jeremiah a toujours été le coup de gueule d’Hermann, la série qui lui vient des tripes, celle avec laquelle il aborde tous les aspects de l’humanité qui lui déplaisent et qu’il affronte avec ses deux héros. Côté pile, le bon Jeremiah, pas naïf, mais plutôt enclin à sauver la personne qui ne le mérite pas vraiment ; côté face, le roublard Kurdy, celui qui roule avant tout pour lui, qui tirera toujours la couverture de son côté.

Cela paraît presque incroyable que ces deux caractères opposés soient parvenus à se côtoyer durant autant d’albums. Oh, cela n’a pas toujours été rose… Il y a quelques trahisons et quelques coups de poings échangés. Mais au final, Jeremiah et Kurdy se retrouvent toujours à chevaucher ensemble leurs motos, au gré de ce western postapocalyptique qui est devenu une référence du genre.

Est-ce la fin de Jeremiah ?

Le cadre de ce nouvel opus ne change d’ailleurs pas beaucoup : une petite ville dominée par des tyrans locaux qui arrosent la police... Tout le sel provient bien entendu des méchants que met en scène Hermann, quel ancien personnage va revenir et comment nos aventuriers vont donner un beau coup de pied dans ce jeu de quilles.

Sauf que cette fois, cela se déroule vraiment mal pour Jeremiah. On ne va pas vous spoiler l’album, mais le héros d’Hermann dérouille solidement. Au point qu’on ne sait d’ailleurs pas s’il est encore vivant à la fin du récit !

On a pu voir une demi-douzaine de planches du tome 40, et pas l’ombre d’un Jeremiah à l’horizon. Il est donc possible qu’Hermann en ait seulement assez de son héros, se disant qu’il se sentait finalement plus en phase avec l’aspect plus vindicatif de sa personnalité, incarnée par Kurdy.

Puis avouons-le, Kurdy avait fini par se radoucir un poil, se rapprochant de Jeremiah tout en restant capable de péter une durite lorsqu’il le fallait. D’ailleurs, en lui faisant couper sa tresse, Hermann ne le libère-t-il pas d’une certaine façon, pour qu’il devienne la synthèse-même de son aventurier rêvé, celui qui n’a (presque) jamais de regrets ?

Bien entendu, il est aussi possible que Jeremiah revienne… Hermann n’avait-il déjà pas réalisé plusieurs albums sans Kurdy ? Sans doute voulait-il rendre la pareille à l’avatar de sa partie sombre. Une opération déjà entamée avec le tome 35, où Kurdy se vengeait de ne pas avoir en permanence son nom sur la couverture, pour enfin s’afficher sur le titre ! Conjectures, suppositions et coquecigrues… Mais qui confèrent un véritable coup de fouet à ces tomes 39 qui vient de paraître, et 40 sur lequel travaille Hermann actuellement.

Et pour le reste, que vaut cette nouveauté ?... Au diable l’hypocrisie, Hermann la déteste. Chaque planche de cet album est une part d’Hermann : tantôt d’une incroyable vivacité, prêt à tous les défis et toutes les innovations, parvenant à réaliser des cadrages que l’on pensait impossibles. À d’autres moments, on ressent sa fatigue, dans son lettrage, dans le trait d’un visage qui est dessiné moins habilement qu’auparavant. Mais Hermann ne cache rien : pas question que quelqu’un retouche ses planches ! Jeremiah, c’est lui, jusqu’au bout des ongles ! Avec ces ratés dus à l’âge et ces superbes envolées qu’on lui connait. Et lorsqu’une page est finie, il attaque la suite, sans regarder en arrière. Car c’est ainsi qu’il bâtit l’une des plus grandes carrières de la bande dessinée.

Alors tant pis si la couverture n’est pas la plus réussie, on peut vous assurer qu’on a pris un fameux plaisir à lire ce Jeremiah. Surtout que les aquarelles parachèvent magnifiquement le tableau, magnifiant chaque case pour apporter une homogénéité sur l’ensemble de l’album. À l’heure actuelle, nous sommes bien incapables de vous dire si Jeremiah vivra encore des aventures, mais lorsqu’on perçoit la force et l’amour de la bande dessinée qui transpire dans chaque planche de cet album, nous n’avons qu’un cri à proférer : « Longue vie à Hermann ! »

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9791034757381

Jeremiah, T.39 : Rancune - par Hermann - Dupuis

A propos d’Hermann, lire quelques-uns des autres articles qui lui sont consacrés sur ActuaBD :
- Jeremiah sans Jeremiah : Hermann en état de grâce
- Jeremiah dans La Grande Bibliothèque (Niffle / Dupuis) : au plus près de l’original
- Hermann, toujours d’attaque !, une interview qui détaille le lancement de sa nouvelle série Duke, le one-shot Le Passeur, ainsi que le Festival d’Angoulême 2017 qu’il préside.
- Hermann, Grand Prix d’Angoulême 2016 : Le Belge qui ne plaisait pas à tout le monde (2/2)
- Hermann, Grand Prix d’Angoulême 2016 : Le Belge qui ne plaisait pas à tout le monde (1/2)
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- Hermann, Grand Prix d’Angoulême 2015 ?
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- À propos d’Hermann, lire également :
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- La chronique de Sans Pardon
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- « Nous pourrions continuer Bernard Prince … ou Comanche » ainsi que notre article Hermann revient à Bernard Prince
- « "Retour au Congo" pastiche Tintin, mais sans le plagier ! »

Hermann sur ActuaBD, c’est aussi :
- Les chroniques du Diables des sept mers et des albums de Jeremiah tomes 27 et 30.
- La remise du Prix Diagonale 2009.
- Une autre interview de fin 2014 : « Si une case ne m’excite pas ou ne me procure pas de sensation, je la gomme. »
- Deux interviews réalisées par Nicolas Anspach : " je ne me prends pas pour un artiste !" (nov 2007) et "Dans Caatinga, des paysans forment un mélange de ’Robin des Bois’ et de criminels impitoyables…" (janv 1997)
- Une vision globale de son parcours : Hermann à livre ouvert

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