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Tintin et Corto, partenaires dans l’aventure

Par Charles-Louis Detournay le 31 mars 2021                      Lien  
Double actualité pour le magazine GÉO avec des héros légendaires du 9e art : en coédition avec Moulinsart, le trimestriel (presque devenu un classique) "Tintin, c'est l'Aventure", où le héros d'Hergé fait la part belle à François Boucq, mais également à l'immortel Corto Maltese. Le personnage d'Hugo Pratt est également mis à l'honneur dans un HeroBook, une collection qui trouve son rythme de croisière tout en restant hautement qualitative.

Tintin et Corto, partenaires dans l'aventureVoilà deux ans que les équipes de GÉO et de Moulinsart se sont associées pour créer le nouveau magazine "Tintin, c’est l’aventure", magazine sur lequel nous n’avons pas tari d’éloges, tant sur la formule générale qui nous a conquis, que dans la succession des thématiques au sein des différents numéros. En passant des pays exotiques à l’étrange, elles se sont révélées toutes aussi porteuses pour les reportages photographiques et les témoignages issus de GÉO, que pour approfondir ou exhumer les mystères et les secrets de l’œuvre d’Hergé.

Ce numéro 7 consacré à la jungle ne fait heureusement pas exception à la règle. C’est presque devenu une traditionnelle entrée en matière, le mook débute par des magnifiques photos en double-pages, qui réalisent adroitement le lien avec de célèbres cases tirées des aventures de Tintin. Une manière élégante et habile pour démontrer l’intérêt de la collaboration entre GÉO et Moulinsart, ainsi que le savoir-faire des équipes rédactionnelles.

Comme à l’habitué, les différents reportages s’égrènent au fil des continents, tout en restant liés aux aventures du reporter, car la jungle y occupe une place de choix, de Tintin au Congo au Picaros, en passant par L’Oreille cassée, Le Temple du Soleil, etc. Intelligemment, le propos passe des sources d’Hergé à l’équilibre instable de la jungle actuelle, joyau vert mis en péril par les activités humaines.

Outre quelques témoignages d’experts, l’épais dossier lié à la thématique centrale de ce numéro se termine sur une étude plus vaste de la jungle au sein de la bande dessinée. De Rahan à Tarzan en passant par la Palombie et Jungla d’Elvifrance, le propos brasse large, mais démontre surtout que la revue continue de s’intéresser à la bande dessinée, sans se restreindre uniquement à l’univers d’Hergé. Cet article introduit habilement deux autres invités de marque de ce numéro : Jérome Moucherot et sa jungle urbaine, ainsi que Hugo Pratt, grâce à Corto et bien entendu à Ann de la jungle.

Boucq, Pinelli et Pratt : majestueux invités

François Boucq
Photo : CL Detournay

Depuis son premier numéro, les équipes rédactionnelles de Tintin c’est l’aventure ont effectivement eu la juste intuition de ne pas limiter le lien entre BD et reportages juste à Hergé. Des "guest stars" s’approprient diverses parties trimestre après trimestre, tout en restant en adéquation avec l’esprit d’évasion qui symbolise le fil rouge du mook.

À cette occasion, le talentueux François Boucq livre un récit inédit de dix planches mettant en scène son fantasque et aventureux agent d’assurance, Jérôme Moucherot. Les amateurs apprécieront une nouvelle fois l’inventivité graphique et scénaristique de Boucq, sans parler de sa recherche de sens jalonnée de recul, de jeux sur les mots et de poésie contemporaine.

L’auteur livre d’ailleurs une savoureuse référence à L’Étoile mystérieuse, non sans expliquer dans un entretien publié en fin de revue, sa vision sur l’œuvre d’Hergé : « Pour que le lecteur soit embarqué, la partition doit être impeccablement réglée. Chez Tintin, les situations sont toujours parfaitement amenées, comme les mouvements d’une symphonie. Tout est orchestré en fonction des points d’orgue du récit, et c’est pour cela que les gags tombent à pic. Hergé ne laissait absolument rien au hasard. »

La première planche de ce récit inédit mettant en scène le léopard de l’assurance

Autre invité, et non des moindres, Joe Pinelli illustre une nouvelle signée Jean-Bernard Pouy, un beau récit qui relate la mission d’un journaliste traversant la jungle guyanaise, pour rendre visite à la famille d’un ami dont il n’avait plus de nouvelles.

Ce principe d’une nouvelle écrite par un romancier nous avait emballé dans le deuxième numéro de la revue, et nous sommes donc ravis de le voir à nouveau mis en pratique. Ce récit jette un pont supplémentaire entre la fiction de l’imaginaire et la réalité des reportages, tout en offrant un point de vue personnel, avec son recul, au diapason des témoignages apportés. Cette seconde nouvelle est cette fois sublimée par les illustrations de Pinelli, dont le trait évocateur dépeint avec force et contraste l’atmosphère de la jungle. On espère vivement retrouver des nouvelles illustrées dans les futurs numéros !

Outre Erwann Surcouf dont l’album des Sauroctones (Dargaud est présenté en fin d’ouvrage, le dernier invité issu du monde de la bande dessinée n’est autre qu’Hugo Pratt. On y retrouve un carnet de voyage intéressant plus particulièrement consacré aux rêveries éthiopiques de l’auteur.

Grâce un superbe dépliant présentant quelques très belles aquarelles de Pratt, le rédactionnel rappelle certaines grandes étapes de la vie de l’auteur, et des rencontres de son alter ego de papier. Un bel article dont les focus très précis devraient intéresser les passionnés de Pratt et les néophytes.

Didier Platteau
Photo : DR.

Directeur éditorial de Moulinsart, Didier Platteau nous explique le lien évident qui existe entre les œuvres d’Hergé et d’Hugo Pratt : « J’ai commencé ma carrière chez Casterman (1973) en prenant en charge l’édition des premiers albums de Corto Maltese au moment où je rencontrais Hergé au nom de Casterman. Les deux grands hommes se sont rencontrés à Angoulême en 1975 je crois. Je suis devenu l’éditeur et l’ami d’Hugo Pratt, c’est donc un grand plaisir de trouver des occasions de les réunir. Ce sont deux univers d’aventure… très différents. Pas de compatibilité puisque l’un était dans la caricature de personnages et l’autre dans le réalisme. Toutefois, l’amitié est un dénominateur commun. Qu’est ce que Corto n’a pas fait pour sauver Raspoutine… parce qu’il était son ami ! En parallèle Haddock voulait couper la corde à laquelle il était suspendu pour sauver Tintin. Et j’en passe... C’est, outre l’aventure, la valeur qui unit les deux hommes et leurs univers, car cette valeur était la leur, dans leurs vies respectives. »

Extrait d’un précédent hors-série de Géo, comparant déjà Tintin et Corto
Géo Hors-Série n° 67 : "Tintin, Les peuples du monde vus par le héros d’Hergé… et leur réalité aujourd’hui"

Le succès mérité de Tintin c’est l’aventure

Enfin, rappelons que chaque numéro contient son lot de dessins rares et inédits de Hergé, ainsi que diverses études et analyses de son œuvre. Ce septième opus ne fait pas exception à la règle, et nous avons été particulièrement attiré par l’étude de l’évolution des planches d’Au Pays de l’or noir, au gré des publications et des modifications, ainsi que des divers dessins d’Hergé mettant en scène la jungle. Citons ainsi trois superbes cases agrandies, tirés de la version du Journal Tintin du Temple du Soleil et mises malheureusement de côté pour la publication en album, sans oublier des dessins réalisés pour Le Petit Vingtième, pour des boîtes de crayon de couleurs ou des puzzles comme ci-dessous.

À nos yeux, Tintin c’est l’Aventure s’avère donc une réussite sur le long cours, une nouvelle forme de périodique plus en phase avec notre époque qui cultive l’association de la bande dessinée et du voyage, tout en donnant l’opportunité pour de nouveaux récits, toujours courts. Il est fini le temps d’« À suivre... »

« Tenant compte de la fin déjà ancienne des magazine de bande dessinée,, nous explique Didier Platteau, "Tintin c’est l’aventure profite d’une nouvelle approche mais ne programme pas de longs récits en bande dessinée. Le format actuel qui réussit - plus de 30.000 exemplaires de chaque numéro - restera inchangé dans un proche avenir. Les lancements dans la presse ont été rares sur ce segment. Et nous sommes, selon Prismamedia, le seul à nous être durablement implantés. C’est eux qui le disent... Mais ce sont eux les professionnels de la presse. Prismamédia est le premier éditeur de magazines en France. Je suis très satisfait de l’association de l’image de Tintin à celle de GÉO. Tout roule donc et cette initiative singulière est bien agréable à travailler. »

Corto à l’honneur

Corto fait donc une incursion remarquée au sein de Tintin c’est l’aventure ; de là à souhaiter que cela ne soit que la première d’une longue série, tant les thématiques des univers sont corrélées. D’ailleurs, Prisma-GÉO travaille depuis de longues années avec La Cong SA pour mettre en avant l’univers d’Hugo Pratt. On ne compte effectivement plus les hors-série de GÉO consacrés uniquement ou partiellement à Corto Maltese...

GÉO a d’ailleurs franchi un cap complémentaire en novembre dernier en lui consacrant un « HeroBook ». Kezako ? Il s’agit à nouveau d’un mook broché consacré spécifiquement à un seul personnage de bande dessinée. Le sous-titre en quatrième de couverture l’explicite clairement : « HeroBook : l’univers de vos héros cultes éclaire le monde d’aujourd’hui ». Après Gaston et plus récemment Le Chat, GÉO met donc Corto Maltese une nouvelle fois à l’honneur par ce biais.

Que peut-on dès lors retrouver dans cet ouvrage de 140 pages ? Outre de très nombreux portfolios avec de superbes et innombrables aquarelles réalisées par Hugo Pratt, ce HeroBook tisse donc des liens entre l’imaginaire de Pratt et le XXe siècle. Ainsi, les rédacteurs n’ont de cesse dans la première partie de comparer la vie de Corto aux grands faits historiques, en reliant sa biographie imaginaire aux événements déterminants, sans oublier les personnages authentiques dont s’est inspiré Pratt, de Jack London à Raspoutine.

Le mook retrace également les différents périples de Corto, en prenant soin par exemple de suivre le héros pas à pas dans Fables de Venise, afin de reporter le fruit de son enquête sur la carte de la ville. Il revient également sur ce qu’on pourrait appeler les derniers grands aventuriers, ces baroudeurs qui exploraient les derniers pans inconnus de notre globe et qui ont tant fait rêver Hugo Pratt.

Les aventures de Corto restent un excellent prétexte pour s’intéresser aux mystères des différentes cultures, égrenées au fil des albums. Sans oublier l’esprit de la série : des romances feutrées, une élégance qui maintient le héros de Pratt comme un modèle encore à l’heure actuelle. Le lecteur peut d’ailleurs tester ses connaissances via des quizz.


Grâce à des courts articles et beaucoup d’encarts, on vole d’un sujet à l’autre au sein de ce mook, ce qui permet de découvrir quelques éléments inconnus pour les grands passionnés de Pratt, mais surtout de passer de très agréables moments d’évasion, de quoi donner envie de relire ces albums que l’on connaît presque par cœur, mais qui délivre toujours cette ambiance inimitable.

Rajoutons qu’hormis quelques exceptions, la totalité du mook est constitué de cases ou d’aquarelles réalisés par Hugo Pratt, ce qui reste un vecteur d’enchantement. L’ouvrage comprend d’ailleurs un double dépliant, quatre marque-pages, deux cartes postales et deux portraits de Corto, le tout détachable, afin de pouvoir emporter avec soi le regard mystérieux du grand marin vénitien.


En cette période où le confinement est de nouveau imposé à bon nombre d’entre nous, nous ne pouvons que vous conseiller ces deux mooks, car l’esprit d’évasion qui s’en dégage nous emporte bien loin de nos considérations actuelles. Et lorsque l’on redescend, c’est la tête emplie d’images et pourvue d’un recul aussi nécessaire que salutaire. Je dirais même plus : essentiel !

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782810430666

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- le sixième numéro consacré à l’étrange sur BD Fugue, FNAC, Amazon.
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Sur le même sujet, lire nos articles consacrés :
- au premier numéro : Moulinsart et GEO lancent un nouveau magazine : "Tintin, c’est l’aventure"
- aux numéros 2 et 3 : "Tintin, c’est l’Aventure"... des profondeurs aux sommets !.
- aux numéros 4 et 5 : Des USA à la Chine : Tintin, c’est toujours l’aventure !
- au numéro 6 : Tintin, c’est l’Aventure... aux frontières de l’étrange !

Les images extraites de l’œuvre d’Hergé sont la propriété exclusive de Moulinsart SA et sont © Hergé - Moulinsart 2021.
Les images extraites de l’œuvre d’Hugo Pratt sont © Cong SA - 2021.

Prisma Moulinsart ✏️ Hergé ✏️ Hugo Pratt tout public
 
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3 Messages :
  • Il existe une photo de la rencontre Pratt-Hergé à Angoulême, reprise dans le catalogue de l’expo Pratt au musée Hergé de Louvain il y a quelques années. C’est bouleversant. Aussi émouvant que la photo Ferré-Brassens-Brel ou la rencontre Einstein-Chaplin.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Jacques Langlois le 1er avril 2021 à  07:41 :

      Pour mémoire, cette rencontre à Angoulême date de janvier 1977 et non 1975 comme croit se souvenir Platteau. Ce n’était d’ailleurs pas la première : les deux dessinateurs ont participé au jury du Grand Prix du Lombard à Bruxelles en 1971, se sont revus au premier ( et unique ?) Congrès de la BD à NewYork en 1972 et au festival de Lucca à l’automne de la même année.

      Répondre à ce message

      • Répondu le 1er avril 2021 à  10:25 :

        Merci pour ces précisions. J’ignorais qu’ils s’étaient rencontrés plusieurs fois.

        Répondre à ce message

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