Connaissant le lien qui vous unit avec Hermann, je suis tout aussi étonné que content qu’il soit venu assister à cette cérémonie ! Lui qui n’est pas vraiment adepte de ces événements publics...
Il m’a appelé la semaine dernière pour prendre de mes nouvelles. Je lui ai alors dit que j’étais justement de passage à Bruxelles pour le Prix Saint-Michel, sans lui indiquer que j’allais être primé bien entendu, cela devait rester confidentiel. « - Alors, je viens », m’a-t-il répondu derechef.
Bien entendu, sa présence revêt une grande importance pour moi, car c’est l’un des dessinateurs de bande dessinée qui m’a le plus stimulé, surtout dans la voie du dynamisme, de la fluidité, ainsi que dans la cohérence du récit. Il m’a donné envie d’être un héros, comme les héros qu’il dessinait. J’avais envie d’être Bernard Prince. Cela paraît simple, mais en réalité, c’est fondateur. Le problème aujourd’hui est justement celui des héros. Les bandes dessinés nous donnaient auparavant la possibilité d’être héroïque le temps de la lecture. Fabriquer des héros de papier, permet de fabriquer aussi des héros-lecteurs.
La bande dessinée est aussi passée par sa phase des antihéros…
Vous pouvez fabriquer un antihéros, car s’il parvient de se sortir de ses embrouilles, il acquiert tout de même le statut de héros.
La bande dessinée doit-elle donc avant tout faire rêver le lecteur, le transporter, lui permettre de s’identifier à des aventures, comment il s’en sortirait à la place des personnages de papier ?
Exactement. Vous avez défini ce que doit être la bande dessinée. Sa vocation est de permettre que le lecteur puisse s’identifier aux protagonistes, surtout au personnage principal. En tout cas à un personnage qu’il va déterminer être le personnage par lequel il va s’identifier. Nous possédons tous une capacité héroïque en nous, sauf que nous ne sommes pas toujours confrontés aux situations pour les révéler. La bande dessinée doit donc créer des situations pour que le lecteur puisse imaginer avoir été un héros dans ces circonstances.
Un moyen pour valoriser le lecteur dans sa conscience de lui-même ?
Il faut faire éclore en lui sa propre dimension héroïque, qu’il n’a pas forcément su exploiter dans sa vie quotidienne. La bande dessinée sert de mise en exergue. Elle sort du lecteur un aspect positif de lui-même, de manière à ce que, dans sa vie de tous les jours, il se dise qu’il peut se permettre d’être un héros, même si la situation est moins exaltante.
Voulez-vous dire qu’une bande dessinée doit faire écho aux préoccupations du lecteur, même inconscientes, pour l’influencer, également après la fin de la lecture ?
Une bonne bande dessinée doit induire une identification à un état d’esprit qui va être fructueux pour le lecteur. Qu’il puisse se dire : « - Ah, oui, moi, je pourrais agir comme cela. »
Toujours sur ActuaBD, plus tard dans la journée : les dernières interview des lauréats des Prix Saint-Michel 2019.
Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.
(par Charles-Louis Detournay)
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