Hergé, Tintin et les drôles de bêtes

Nous vous parlons régulièrement du mook trimestriel Tintin c’est l’aventure. Les dix premiers numéros étaient consacrés à des thématiques assez diverses et surtout focalisées sur des destinations, en écho au magazine GEO qui est l’un des deux partenaires éditoriaux. Aussi sommes-nous agréablement surpris du focus de ce numéro de printemps 2022, qui se concentre sur les animaux. Un sujet très pertinent, car les aventures de Tintin regorgent de créatures animales. Cela permet en outre de profiter de superbes photos apportées par GEO.

En introduction, la traditionnelle rubrique Panorama réassocie à nouveau les cases de Tintin avec les superbes photos dépaysantes de notre planète, comme cette mythique scène des piments ci-dessous, tirée de Tintin au Tibet.

La rubrique "Panorama" du mook "Tintin c’est l’aventure"

Passée cette mise en bouche, le copieux dossier "Tintin et Hergé, amis des bêtes" entre dans le vif du sujet. Il évoque quelques séquences mythiques de l’œuvre d’Hergé où les animaux ont marqué les esprits. Mais là où le mook touche au but, c’est qu’il ne se limite pas à cette analyse pour tintinophile ! Le texte étudie également la situation actuelle : les menaces sur la faune, l’intérêt de la biodiversité, et de manière générale, combien il est nécessaire de repenser notre relation au monde. Loin des leçons formalisées, le texte nourrit le propos avec de splendides photos.

Cet intérêt pour notre relation au monde animal passe naturellement par Milou. Une première rubrique analyse les dix commandements du fox-terrier pour exprimer sa personnalité auprès de Tintin, tandis que l’historien et tintinophile Eric Baratay analyse plus en profondeur les relations qu’Hergé entretenait avec les animaux. se

Si Hergé aimait les chiens, il n’a jamais caché qu’il préférait les chats.

Hergé et son chat Zoulou.
Photo : © Collection privée Fanny Rodwell

Le numéro continue avec deux invités "BD" : Johan De Moor qui vient de publier Les Sauvages Animaux chez Casterman. L’auteur y livre huit planches où nos amies les bêtes sont à l’honneur. Mais De Moor traite surtout de l’exclusion, dans des dialogues très humains qui devraient faire réfléchir le lecteur.

Le cahier central regroupe une nouvelle fois des dessins rares ou inédits d’Hergé, rassemblés autour de la thématique de ce numéro. Si on regrette un petit problème de maquette qui ne nous permet pas de profiter pleinement d’un gag du singe Jocko, le reste du cahier tient toutes ses promesses, restant l’une des valeurs sûres de cette formule trimestrielle. Comme cette peinture à l’huile réalisée en 1936 représentant sa jeune épouse Germaine et son petit chat.

Une fois de plus, ce numéro nous entraîne d’un émerveillement à l’autre : de la plongée en apnée au Portugal de Cyril Pedrosa dans un diaporama d’aquarelles, du cachemire de Mongolie au voyage du reporter Gareth Jones au pays des Soviets dans les années 1930, des bohémiens à l’exotisme des Bédouins, etc. Tout est prétexte à revenir à l’œuvre d’Hergé, son intérêt, on actualité.

Milou en mars

Le second ouvrage qui vient de paraître, ici aux Impressions nouvelles, continue d’analyser la relation entre Hergé et l’animal, en se concentrant ici sur le fameux Milou. Son auteur, Renaud Nattiez, rappelle d’emblée l’importance du canidé. Ne s’agissait-il pas initialement des aventures de Tintin ET Milou ? Ce dernier n’est-il pas présent au même titre que son maître dès la première case de Tintin au pays des Soviets jusqu’à Tintin et l’Alph-Art ? Voilà qui donne une lecture de l’œuvre d’Hergé anglée au plus près du sol, mais tout aussi pertinente.

Cette petite monographie en format de poche que l’on peut emporter partout, séduit et passionne. Les albums et les séquences mythiques de Tintin où Milou a joué un rôle s’enchaînent. L’auteur analyse l’évolution de Milou, et toute l’humanité qui se dégage du personnage. Alors que Tintin est presque trop parfait, Milou affiche un caractère... cabotin qui crée une complicité avec le lecteur dès ses premières apparitions. Tantôt gaffeur, tantôt râleur, souvent méfiant, Milou est presque un anti-héros comparé à Tintin, mais son caractère frondeur en a tout de même fait l’un des chiens les plus connus de la bande dessinée.

Chaque chapitre de l’ouvrage passe en revue les bons et mauvais côtés du fox-terrier : ses grandes qualités et ses défauts notoires, la complicité affichée avec Tintin et son dédain relatif pour les autres protagonistes, sa relation avec les enfants et sa rivalité envers les autres animaux. Bien sûr, Renaud Nattiez ne passe à côté de l’effacement progressif du personnage au fur et à mesure de l’évolution des des albums, ce qui donne à a série un jour nouveau.

Même si elles comportent quelques analyses un peu tirées par les cheveux, cette sympathique monographie nous offre une fraîcheur bienvenue en ce début de printemps. Grâce à son format de poche facile à transporter, elle fera certainement le bonheur des tintinophiles de tout poil !