Après l’édition 2021, l’édition 2022 paraît faire redite puisque Pénélope Bagieu et Catherine Meurisse étaient déjà finalistes du Prix. Mais c’est en revanche la première fois qu’aucun homme ne fait partie de cette sélection finale ce qui change d’un palmarès où, pendant longtemps, les femmes ne faisaient que de la figuration. Ce qui interpelle, c’est qu’elles sont censées être récompensées « pour l’ensemble de son œuvre et son empreinte sur l’histoire de la bande dessinée », ce qui est un peu surprenant pour des autrices aussi jeunes. Les commentaires ne vont pas manquer...
Sans grande surprise, Catherine Meurisse est nommée pour la troisième fois. Celle qui a débuté dans le dessin de presse et le dessin d’humour, notamment chez Charlie Hebdo, s’était ensuite consacrée entièrement à la bande dessinée depuis plusieurs années.
On retiendra La Légèreté, son "album-résilience" dans lequel elle raconte son traumatisme et sa reconstruction artistique et mentale à la suite de l’attentat du 7 janvier 2015.
Dans Les Grands Espaces, la dessinatrice racontait ses souvenirs d’enfance à la campagne, en intégrant une conscience esthétique et politique du paysage rural. Avec Delacroix, d’après un texte d’Alexandre Dumas sur le peintre, elle opérait une relecture de l’artiste d’une manière très personnelle, créant des ponts entre les arts.
Son dernier album, La Jeune Femme et la Mer, bien dans l’air du temps, questionne la place de l’Homme dans la nature et son rapport à l’art comme moyen de l’apréhender pleinement. En 2020, une grande rétrospective lui avait été consacrée à la BPI du Centre Pompidou. Dans la foulée, elle a été la première autrice de bande dessinée membre de l’Académie des beaux-arts. ActuaBD l’avait désignée comme "Personnalité de l’année" en 2016. Elle est bien partie pour être celle de cette décennie.
Pour Pénélope Bagieu, c’est une seconde nomination. Elle confirme sa place d’autrice majeure dans le paysage de la bande dessinée contemporaine. La dessinatrice s’est d’abord fait connaître par un blog Ma vie est tout à fait fascinante, dans lequel elle illustrait des anecdotes de sa vie quotidienne.
Par la suite, elle publia quelques albums remarqués comme Joséphine ou California Dreamin.
Mais c’est lorsqu’elle s’intéresse particulièrement aux femmes oubliées de l’Histoire que sa notoriété explose. Dans l’album féministe Les Culottés, l’autrice met en valeur le destin de femmes exceptionnelles méconnues. La série a été récompensée par un Eisner Award aux États-Unis en 2019.
En 2020, elle s’attaque à la littérature jeunesse en adaptant avec brio le roman de Roald Dalh Sacrées Sorcières en BD.
Son dernier album, Les Strates, est sa première œuvre autobiographique. Sous la forme d’un journal intime, elle se confie sur son adolescence et ses traumatismes, dans la veine du mouvement #Metoo.
Julie Doucet, dessinatrice canadienne issue de l’animation, est également une représentante de la bande dessinée féministe et est une figure majeure de la BD underground, jouissant d’une énorme réputation auprès des créateurs de BD. Dans son fanzine Dirty plotte, elle documente sa vie quotidienne, ses rêves et ses angoisses en anglais et en français. Le titre sera ensuite repris sous le nom Fantastic Plotte et publié en 1991 par l’éditeur Drawn & Quarterly. L’album est publié en France par L’Association, son éditeur habituek, sous le titre Maxiplotte (2021).
Après plusieurs voyages, l’autrice travaille maintenant à Montréal dans un champ plus proche des arts graphiques (collage, poésie, roman-photo) dont les tirages limités en sérigraphie, sont parfois publiés par Drawn & Quarterly. L’essayiste Anne-Elizabeth Moore a publié en 2018 une étude sur l’œuvre de Julie Doucet Sweet Little Cunt : The Graphic Work of Julie Doucet, qu’elle analyse comme précurseure d’un nouveau féminisme en bande dessinée.
Quelle sera l’heureuse élue sera couronnée le 16 mars 2022 ? Les paris sont ouverts, on vous laisse nous donner votre pronostic. Et ce qu’on peut déjà affirmer, c’est que ce sera une femme. La quatrième seulement depuis les 49 ans que le festival existe. La gagnante succèdera en effet à Claire Bretécher en 1982, Florence Cestac en 2000 et Romiko Takahashi en 2019. La parité est en marche, mais à pas comptés !
(par Thelma SUSBIELLE)
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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